Samedi le 15 mars dernier se tenait à Montréal la 7ème Journée
Internationale Contre la Brutalité Policière. J'étais présent en tant que manifestant ayant été victime de la répression policière grandissante qui sévit partout au Québec (et je dirais même dans le monde), mais aussi en tant qu'observateur en mes capacités de photographe/écrivain/journaliste. Je vous partage ici mes observations et réflexions suite à cette importante manifestation qui s'est ma foi très bien déroulée, et, pour une fois, sans arrestations.
La manifestation a commencé au parc MacKenzie King, près du métro Côte Sainte-Catherine. Le quartier a été choisi pour nous rappeler qu'il est trop souvent oublié quand on parle de brutalité policière. La police règne en effet sur ce quartier d'une main de fer habituelle derrière le nouveau gant de velours Communautaire. D'un bras, elle menace les immigrants parfois illégaux qui y vivent le sous spectre de la police de l'immigration, et de l'autre elle harcèle les gens isolés et souvent pauvres qui habitent ce quartier.
Avant que la marche commence, le Commandant Rondeau et le
Lieutenant Serge Boulerice se sont mêlés à la foule, accompagnés de deux policiers anti-émeutes (casques, matraques et boucliers en moins), pour prendre leur pouls habituel des manifestants. [1] Le Cmdt. Rondeau a ensuite servi un avertissement en règle pour bien nous faire réaliser que si nous commettions "des infractions, nous étions passibles d'accusations devant les tribunaux et qu'ils mettraient fin à la manifestation"[2]. Ils ont évidemment évité de préciser de quelle façon ils mettent habituellement fin aux manifestations, ces dernières années. En effet, depuis plusieurs années, la police prend un malin plaisir à "disperser" les manifestations en courant dans la foule ou en encerclant les manifestants pour procéder à des arrestations de masse. Notre "droit de manifester" étant semble-t-il conditionnel non seulement à l'absence d'infractions de tout ordre pendant le déroulement de la manifestation mais aussi de la bonne humeur des policiers. Dès la fin du discours du Cmdt. Rondeau, un insecte policier fit apparition dans le ciel. [3]
La réponse des manifestants ne se fit pas attendre. Un de ceux-ci pris le porte-voix pour déclarer que "toute tentative de votre part, pour entraver le libre exercice de la liberté d'expression, pourrait avoir des répercussions juridiques. On n'a pas besoin de vous autres aujourd'hui, pas plus qu'on a besoin de vous autres le restant de l'année. Et je suis convaincu que vous avez pas plus envie d'être icitte, que nous autres on a envie de vous voir." C'est ce que l'on appelle mettre les points sur les I.
On appela ensuite la manifestation à éviter la casse inutile pour éviter de donner aux policiers une raison pour faire des arrestations de masse, et la marche s'amorça vers le nord. La marche a continué calmement vers le métro Plamondon, où elle s'est terminée par une période de "micro" ouvert ou les résidents du quartier et des manifestants ont fait valoir leurs points de vue.
Les anti-émeutes sont restés hors de portée visuelle des manifestants tout au long de la manifestation, mais des sources mobiles ont indiqué qu'ils étaient bel et bien prêts à agir. Lorsque j'ai quitté la manifestation, des gens appelaient les manifestants à quitter en groupes et annonçaient la proximité des anti-émeutes.
L'approche prise par la police dans la manifestation montre qu'elle ne semblait pas avoir envie de se taper la chasse aux manifestants annuelle. L'artifice a été mis cette fois sur le tape-à-l'oeil rapide et efficace: approche douce, discours ferme, hélicoptère omniscient et panier à salades discrets mais évidents. Le spectre des arrestations de masse sert bien la police. D'ailleurs, ils devaient être autrement plus préoccupés de la manifestation de 250 000 personnes et plus qui se déroulait presque simultanément sur René-Lévesque et de l'impact qu'une intervention violente sur une manifestation pacifique aurait pu avoir sur l'inconscient de cette masse de 250 000 âmes. Il ne faut donc pas voir un acte de pitié ou d'indulgence dans la manoeuvre des policiers. Après les arrestations de masse complètement injustifiées des dernières années, les flics se la coulent douce.
Donc, une bonne conclusion à cette 7ème JICBP, qui fut un grand succès pour les organisateurs ayant réussi les objectifs d'éviter les arrestations et de sensibiliser la population locale non seulement au problème de la brutalité policière mais aussi à la présence d'un support populaire à la cause des opprimés.
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[1]
Notons que les anti-émeutes arboraient ouvertement des sacs remplis d'assez de menottes en plastiques ("Tie-Wraps") pour immobiliser des dizaines de personnes, ce qui rend l'affirmation qu'ils sont là "pour notre sécurité" assez révoltante.
[2] Voici la transcription d'un enregistrement du "discours" initial
du commandant Rondeau, projeté d'un véhicule de police semblant contenir une puissance de son assez impressionnante.
"...dans le même sens que la circulation. Je suis responsable de cette opération et de votre sécurité. Vous avez le droit de manifester à condition de ne pas commettre d'infraction et aucune ne sera tolérée. Si vous commettez des infractions, vous êtes passibles d'accusations devant les tribunaux et nous mettrons fin à la manifestation.".
Permettez-moi de douter de la légalité de cette pratique. En effet, autant que je sache, la plupart des infractions sont des actes individuels, à moins que l'on parle d'émeute, et en écartant les boueux "attroupement illégal" ou "troubler la paix". Ainsi, ceci a la vertu, pour les policiers de légitimiser toute forme de répression car on pourrait montrer que dans toute manifestation suffisamment grande, il y aura au moins un individu commettant une infraction, que ce soit cracher par terre ou brûler un feu rouge!
[3] L'hélicoptère en
question suivit la manifestation sur tout son trajet, restant même de longues minutes après la fin de celle-ci.