Je suis déçu de ce que je lis dans les journaux lors de chaque rencontre de l'OMC ou du G8. Je suis surtout déçu de ce que je n'y lis pas.
Les manifestations sont toujours un sujet d'intérêt, surtout la violence qui surgit lors de celles-ci. Violence, arrestations et abus de la police qui provoquent une discussion sur les méthodes de manifestation, la liberté d'expression et d'association, autres garanties de la charte des droits et libertés...
Mais on manifeste pourquoi au juste? Est-ce par paresse que les journaux se cantonnent dans ce qu'ils connaissent: les droits constitutionnels et les vitrines fracassées de la rue Ste-Catherine?
Certains seraient là pour faire éclater des vitrines, justifiant leur geste par le fait que c'est une méthode efficace pour attirer les médias. Force est d'admettre que ces derniers leur donnnent raison! Pour un article qui parle vraiment des négociations et de combien elles n'avancent pas vite, on a droit à nombre d'articles et photos, chroniques et colonnes qui discutent du manque de savoir-vivre de ceux qui défilent dans les rues. La même rengaine chaque fois : les organisateurs auraient dû prévoir un système pour gérer la foule, les éléments violents font perdre la crédibilité du mouvement, ...
Pendant ce temps, les discussions se poursuivent à huis clos.
Curieusement, pour une société démocratique où chacun devrait pouvoir se prononcer sur les enjeux de société, je trouve le processus très secret : textes secrets, réunions secrètes. Et de plus en plus la répression s'exerce à l'endroit de ceux qui savent le plus clairement expliquer les raisons de leur opposition. Ces derniers n'ont plus le droit d'être présents lors des manifestations (ils sont nombreux!), plus le droit d'être au centre-ville avant leur procès (comme Shahrzad Arshadi, tel que l'expliquait Rima Elkouri dans La Presse du 30 juillet) plus le droit de faire de discours, du moins, pas en amplifiant sa voix (comme Jaggi Singh). D'ailleurs d'où vient la fascination des médias pour les arrestations de José Bové et de Jaggi Singh? Serait-il possible de les entendre expliquer leurs idées au lieu d'en faire de simples mascottes menottées?
Les textes des traités restent entre les mains de ceux qui les proposent, qui les défendent et les présentent comme inévitables... ceux qui en tireront profit? On ne cherche pas à savoir s'ils sont bénéfiques: on en est déjà à discuter sur la manière de les mettre en place!
Je ne vais que rarement manifester: le travail prend une bonne partie de mon temps et je trouve d'autres manières d'exprimer mon opposition. Dorénavant, c'est par peur que je n'irai pas dans les manifestations, peur d'être arrêté, battu, gazé, criminalisé. Peur de la police. Car si les manifestants violents font perdre de la crédibilité au mouvement alter-mondialiste, on peut dire que la brigade anti-émeute en fait perdre tout autant à la police! N'est-elle pas là pour me protéger?
Les discussions de l'OMC ne sont pas publiques. Le discours officiel prétend que leur divulgation pourrait être néfaste aux négociations. Quel merveilleux défi pour un journaliste! Qu'y-a-t'il dans ces textes de si « précieux »? Je veux savoir! Les négociateurs, qui sont-ils? Il n'y a pas que des élus parmi les centaines de personnes présentes. Quelle est leur légitimité pour négocier des accords qui m'impliquent sans que je sois impliqué? Où est notre belle et exemplaire démocratie dans ce processus?
La violence n'est pas souhaitable, la question est close. Que les tribunaux condamnent les violents et que l'on passe à autre chose: une discussion ouverte. Une discussion qui questionne les accords économiques à grande échelle. Leur nécessité reste encore douteuse.