L'OMC et le G8, les manifestations et la violence

Soumis par mathieu le samedi, 2 août, 2003 - 01:33 Analyse
MédiasMouvements sociaux

Je suis déçu de ce que je lis dans les journaux lors de chaque rencontre de l'OMC ou du G8. Je suis surtout déçu de ce que je n'y lis pas.

Les manifestations sont toujours un sujet d'intérêt, surtout la violence qui surgit lors de celles-ci. Violence, arrestations et abus de la police qui provoquent une discussion sur les méthodes de manifestation, la liberté d'expression et d'association, autres garanties de la charte des droits et libertés...

Mais on manifeste pourquoi au juste? Est-ce par paresse que les journaux se cantonnent dans ce qu'ils connaissent: les droits constitutionnels et les vitrines fracassées de la rue Ste-Catherine?

Certains seraient là pour faire éclater des vitrines, justifiant leur geste par le fait que c'est une méthode efficace pour attirer les médias. Force est d'admettre que ces derniers leur donnnent raison! Pour un article qui parle vraiment des négociations et de combien elles n'avancent pas vite, on a droit à nombre d'articles et photos, chroniques et colonnes qui discutent du manque de savoir-vivre de ceux qui défilent dans les rues. La même rengaine chaque fois : les organisateurs auraient dû prévoir un système pour gérer la foule, les éléments violents font perdre la crédibilité du mouvement, ...

Pendant ce temps, les discussions se poursuivent à huis clos.

Curieusement, pour une société démocratique où chacun devrait pouvoir se prononcer sur les enjeux de société, je trouve le processus très secret : textes secrets, réunions secrètes. Et de plus en plus la répression s'exerce à l'endroit de ceux qui savent le plus clairement expliquer les raisons de leur opposition. Ces derniers n'ont plus le droit d'être présents lors des manifestations (ils sont nombreux!), plus le droit d'être au centre-ville avant leur procès (comme Shahrzad Arshadi, tel que l'expliquait Rima Elkouri dans La Presse du 30 juillet) plus le droit de faire de discours, du moins, pas en amplifiant sa voix (comme Jaggi Singh). D'ailleurs d'où vient la fascination des médias pour les arrestations de José Bové et de Jaggi Singh? Serait-il possible de les entendre expliquer leurs idées au lieu d'en faire de simples mascottes menottées?

Les textes des traités restent entre les mains de ceux qui les proposent, qui les défendent et les présentent comme inévitables... ceux qui en tireront profit? On ne cherche pas à savoir s'ils sont bénéfiques: on en est déjà à discuter sur la manière de les mettre en place!

Je ne vais que rarement manifester: le travail prend une bonne partie de mon temps et je trouve d'autres manières d'exprimer mon opposition. Dorénavant, c'est par peur que je n'irai pas dans les manifestations, peur d'être arrêté, battu, gazé, criminalisé. Peur de la police. Car si les manifestants violents font perdre de la crédibilité au mouvement alter-mondialiste, on peut dire que la brigade anti-émeute en fait perdre tout autant à la police! N'est-elle pas là pour me protéger?

Les discussions de l'OMC ne sont pas publiques. Le discours officiel prétend que leur divulgation pourrait être néfaste aux négociations. Quel merveilleux défi pour un journaliste! Qu'y-a-t'il dans ces textes de si « précieux »? Je veux savoir! Les négociateurs, qui sont-ils? Il n'y a pas que des élus parmi les centaines de personnes présentes. Quelle est leur légitimité pour négocier des accords qui m'impliquent sans que je sois impliqué? Où est notre belle et exemplaire démocratie dans ce processus?

La violence n'est pas souhaitable, la question est close. Que les tribunaux condamnent les violents et que l'on passe à autre chose: une discussion ouverte. Une discussion qui questionne les accords économiques à grande échelle. Leur nécessité reste encore douteuse.

Re : L'OMC et le G8, les manifestations et la violence

by mathieu on 13 septembre, 2003 - 14:16Score: 0

Mario Roy, en page A20 de La Presse du mercredi 10 septembre, a écrit un article intéressant sur la rencontre de l'OMC à Cancun. Moins sensationnaliste, plus informatif...

L'agenda politique des multinationales de l'information

by anarcat on 4 août, 2003 - 20:59Score: 2

Ceci expose bien le problème toujours sous-entendu derrière la couverture médiatique: le pouvoir accordé aux médias et l'agenda politique qu'ils développent, conséquemment. Je doute fortement que Power Corporation (La Presse), Quebecor (TQS, Journal de Montreal, etc) et Transcontinental soit de grand pourfendeurs du néolibéralisme, au contraire: ils s'affichent comme les prophètes du libre marché et du pouvoir absolu des méga-corporations.

Est-ce par paresse que les journaux se cantonnent dans ce qu'ils connaissent: les droits constitutionnels et les vitrines fracassées de la rue Ste-Catherine?

Pour répondre simplement: non. C'est par décision éditoriale. Que ce soit pour vendre (beaucoup) ou pour la propagande (par la bande), le résultat est le même: les médias ne se cassent parfois même plus la tête à tenter de défendre les droits constitutionnels de manifestants et au contraire s'attaquent directement à eux, dans des campagnes de salissage ouvertes. Ceux qui en doutent ont juste à essayer de passer au travers d'une couverture médiatique de TQS: c'est simplement de la diffamation.

Dans la Presse même, l'éditorial ainsi que la caricature du 31 juillet sont carrément diffamatoires. Titre de l'édito: "Les alter-hypocrites". André Pratte passe par tout les moyens pour tenter de convaincre que "la violence est au coeur de la stratégie des organisateurs des manifestations", sans évidemment entrer dans le débat sur ce qu'est exactement la violence. M. Pratte utilise même le code criminel pour justifier les actions de la police, sans remettre en question l'article du code criminel (attroupement illégal), hautement controversé et remis en question par plusieurs groupes légaux:

En vertu du Code criminel, une manifestation peut être déclarée illégale si les autorités ont des motifs raisonnables de craindre que les participants «ne troublent la paix tumultueusement».

C'est pas assez flou à votre goût ça? Et le pouvoir discrétionnaire des flics là-dedans? Et le conflit avec la liberté d'expression? Je serais curieux de voir comment faire une manifestation qui ne ferait pas craindre aux Autorités que la Paix soit troublée tumultueusement. Aucune remise en question, appel à l'ordre établi.

Ce qui est clair pour moi est que les Autorités ne travaillent pas pour la Paix, mais pour la guerre, comme on a pu le voir dans la politique internationale du Canada (oui, le Canada a participé à la guerre en Irak) et des US ces derniers temps.

Pour revenir à la Presse, le plus révoltant était cette caricature d'un manifestant "anti-mondialisation": ressemblant plus à un flic qu'au manifestants que je connais, l'hideuse chose porte un marteau à la main ainsi qu'une canette de peinture. Tout son équipement est étiquetté selon sa provenance: Marteau made in USA, balles de golf fabriquées en allemagne, jeans cousus au Pakistan, etc. Comme c'est odieux! Alors que les altermondialistes dénoncent exactement l'achat et l'encouragement des compagnies qui produisent leur matériel à bas prix avec du "child labour" et que les altermondialistes sont ceux-là même qui ont encouragé et qui créent des alternatives comme Équiterre et le commerce équitable, on leur reproche immédiatement d'avoir une paire de bobettes qu'ils n'ont pas gossé eux-mêmes dans une bouche d'égout de Montréal.

C'est comme quand tu te présentes comme végétarien et que le monde chiâlent que tu as des bottes en cuir. Quoi? Le fait d'avoir des bottes en cuir diminue la pertinence d'être végé ou quoi?

On proteste contre le child labour et sur comment qu'il est devenu impossible de faire un choix de consommation éclairé sur la provenance de nos aliments et de nos vêtements et on se fait chier dessus parce qu'un d'entre nous a fait l'erreur d'acheter un masque à gaz du brésil. Franchement.

Pourquoi pas la même caricature avec un flic? Est-ce que leurs vêtements sont produits sur St-Laurent? Mais non, là ça serait "prendre parti" (contre la police).

Voilà.. Je voulais juste montrer que les médias ne sont pas neutres, ils sont souvent directement contre les manifestations, car les mouvements de masses, les révoltes, les grèves et les manifs, ce sont des menaces pour eux.

 

L'édito d'André Pratte

by mathieu on 5 août, 2003 - 00:12Score: 1

C'est un hasard intéressant que tu mentionnes cet éditorial-là de La Presse... parce que c'est pendant la discussion que j'ai eu après l'avoir lu que je me suis plus ou moins fait dire d'écrire à La Presse pour leur exprimer mon désaccord. La caricature est mordante et exagérée, mais ça c'est le propre d'une caricature...

Alors que le texte d'André Pratte n'est pas si terrible que ça en lui-même (c'est quand même La Presse), le titre est clairement anti-manifestants, tout comme la citation que tu mentionnes, centrée en gros et gras dans le texte original.

En partant, que l'on déforme le mot "alter-mondialiste", ça me dérange. Je ne sais pas d'où vient le mot, mais je le trouve beaucoup plus proche de la réalité que "anti-mondialiste". Ça ne fait pas mon affaire du tout de voir que l'on dénigre ça. Je trouve ça cheap de la part d'un éditorialiste de dénigrer un mouvement entier come ça. L'alter-mondialisme, c'est plus que du chialage: le commerce équitable, c'est une solution à long terme. Une solution qui fonctionne assez bien qu'elle commence à être récupérée par la grande entreprise...

De faire porter l'odieux de la violence par les organisateurs, ça n'est pas tellement mieux: en partant, de prétendre que les organisateurs ont un tel pouvoir sur les manifestants est ridicule. C'est pas une manifestation organisée par la CSN où les gens arrivent en autobus loués! Chacun vient comme il veut et - c'est le plus important - pour ses raisons personnelles.

Il y a des moyens de prévenir la violence. Pour l'instant mon préféré est encore de ne pas l'encourager. Pour commencer, on pourrait au moins ne pas la récompenser. Ne pas récompenser celle des trois ou quatre manifestants déchainés par une photo à la Une, ne pas récompenser celle des brutes de l'anti-émeute par des félicitations pour un travail bien faits.

Ajout de dernière minute à propos du comportement plein de délicatesse des policiers... en plus de ce qui est arrivé à une fille qui fait du "courrier" au centre-ville (voir la presse pour le récit, même jour et même cahier que l'édito d'André Pratte), allez lire cet article-là : Récit d'attaque policière, éclaireurs 29J.