Une offensive en règle de l'Église catholique contre le mariage gai (ou gai mariage?) est en cours. Après des sorties individuelles de différents curés ultra-conservateurs carrément homophobes, la Conférence des Évêques Catholiques du Canada (CECC) s'est officiellement prononcée contre la redéfinition du mariage. La rhétorique qu'utilise les Monseigneurs de la Morale peut ne pas paraître surprenante pour plusieurs, mais elle en n'est pas moins révoltante et complètement mensongère.
Le Devoir du 11 septembre nous présente ainsi plusieurs citations qui seront utilisées au cours de ce texte. À la une, un gros plan de la verrue faciale de Monseigneur Jacques Berthelet, évêque de St-Jean-Longueuil (les Églises aussi ont fusionné??!) et président de la CECC. La photo du curé adoptant une pose pensive est sous-titrée de la citation suivante:
"Nous demandons aux hommes et aux femmes politiques catholiques, comme à tous les catholiques d'ailleurs, de former leur conscience dans la prière, par la lecture attentive des Écritures et par l'écoute respectueuse de l'enseignement de l'Église".
Curieusement, nos religieux semblent ignorer une partie de l'histoire que l'on a ici nommée "Révolution tranquille" (du moins au Québec) où l'Église s'est fait gentiment montrer la porte de la salle de la Morale. Là où justement, l'Église a pris traditionnellement pied (la Morale), l'État tente justement de s'éloigner et généraliser les concepts de mariage, d'union et de justice pour englober les groupes définis dans sa constitution et charte des droits.
Or il semblerait que l'Église s'attende à ce que l'État fasse à nouveau "la job à sa place" et mate les esprits par la coercion des "comportements déviants". L'Église semble assumer ici que le Canada n'est pas un État laïc, et que donc les "hommes et femmes politiques" doivent "former leur conscience dans la prière"! Nos curés envient peut-être les nations musulmanes où les livres de cultes sont livres de loi, avec toutes les incongruences et injustices que cela impose.
Aussi, notez bien que le mariage n'a pas toujours été une institution catholique. La bible ne définit nulle part le mariage et ce n'est que depuis 1563 que l'Église a créé le sacrement du Mariage, qui était auparavant défini comme une relation commerciale, selon la loi hébraïque.[1]
Pour poursuivre notre examen du discours de ces barbares, voici une citation qui a provoqué un tollé, de notre archevêque (de Montréal), Monseigneur Turcotte:
"Si le mariage devient l'union de deux personnes qui s'aiment, va-t-on permettre le mariage entre un frère et sa soeur? Entre un père et sa fille? Entre une mère et son fils?" [2]
C'est le traditionnel appel au vice, la comparaison inévitable entre la sodomie et l'Acte du Diable, une démonisation pure et simple de la relation homosexuelle. Comparer l'inceste à l'homosexualité, c'est non seulement odieux, c'est inacceptable, surtout d'une institution qui se dit gardienne de la morale. Cette réaction nous rappelle une époque plus sombre de l'Église, dont celle-ci semble avoir de la difficulté à prendre distance. L'inceste est un crime déjà punissable par la loi, et n'a pas grand chose à voir avec le mariage, soit-il religieux ou civil, homosexuel ou hétérosexuel. De plus, on peut douter fortement que Monseigneur Turcotte soit incapable de faire la différence entre un amour familial et un amour conjugal. Il est vrai que la chasteté des prêtres catholiques amène des idées et des comportements bien étranges...
L'Église se démène donc pour tenter de montrer le mariage homosexuel comme "dévalorisant", "confus":
"[...] Refuser d'établir des distinctions entre les couples hétérosexuels et les couples homosexuels entraîne la confusion, dévalorise la diversité. Pour nous, il n'est pas discriminatoire de traiter des réalités différentes de manière différente."
Quand on sait dans quelle froide uniformité le clergé a gardé la plèbe pendant toutes ces années, quand on parle de Duplessis ou encore de la sombre Inquisition, l'hypocrisie de ce commentaire est édifiante. L'Église ne nous fera pas croire qu'elle est soudainement ouverte à la diversité et que "tout le monde est bienvenu dans le royaume de Dieu". Foutaise. On ne nous la refera pas.
Aussi, on se demande si par "diversité", Monseigneur Berthelet sous-entend les orientations sexuelles "particulières" des curés, particulièrement leurs penchants pour la chair fraîche juvénile. Le refus pour l'Église de condamner les délits sexuels de ses membres et, parallèlement, le refus d'accepter l'homosexualité comme un phénomène social normal démontre d'une contradiction étonnante et d'une obstination à toute épreuve comme seule Notre Grande Église sait faire preuve. Sans mentionner le fait qu'une relation homosexuelle n'est pas un crime et même un droit défendu par la charte des droits et libertés et que la pédophilie, au contraire, est un crime passible de prison.
"Il y a aujourd'hui, du côté des lesbiennes, des gens qui ont des enfants qui n'ont jamais connu de père. Quelles en seront les conséquences? Je n'en sais rien. Tout ce que je sais, c'est que j'ai lu beaucoup de traités sur la psychologie dans ma vie, et je pense que dans la société d'aujourd'hui, on reconnaît que l'absence du père est un gros problème."
Nous avons maintenant la preuve que Monseigneur Turquotte écoute des South Park en cachette. N'ayant moi-même pas connu mon père, je dois dire que je m'en porte merveilleusement bien merci, et je remercie Monseigneur de s'intéresser autant à mon bien-être. Cependant, je doute que le fait de vivre dans une famille explosée où l'enfant est déchiré entre une mère et un père divorcés soit beaucoup mieux, n'est-ce pas Monseigneur? Monseigneur préfère peut-être les petits jeux d'adultes où le père homosexuel se marie pour la forme mais continue sa vie homosexuelle dans l'ombre?
Mais, en toute humilité, Mgr Turcotte admet évidemment qu'il "n'en sait rien"! Brandissant la menace de l'inconnu, les curés reculent encore dans l'histoire en tentant d'exorciser un mal qui n'en est pas un.
Les évêques, fidèles à eux-mêmes, demandent à l'État de protéger la "cellule de base de notre société". Vivant 30 ans en arrière, les curés n'ont sans doute pas encore remarqué que leurs églises se vident, que les mariages sont en chute libre, que les unions libres sont en vogue et que la foi chrétienne en prend une claque. Effectivement, entre 1991 et 2001, le nombre de réponses "Aucune religion" chez Statistique Canada, a augmenté de 4% à l'échelle du Canada, ce qui représente 1,6 millions de personnes! Parallèlement, il y a 2% moins de personnes se déclarant catholiques et 7% moins, protestantes.[3]
Dans une prétention ultime, Mgr Berthelet énonce le summum de l'insulte pour un athée et un non-pratiquant comme moi, qui voit son monde s'effondrer sous le joug des puissances religieuses et des guerres saintes:
"Je ne pense pas qu'on puisse dire des couples homosexuels qu'ils apportent quelque chose d'irremplaçable à la société et qu'ils construisent la société."
J'aimerais pouvoir dire le contraire de l'Église Catholique, dire que la religion amène l'illumination individuelle et collective, garde l'humain en paix avec lui-même, mais à voir comment leur pensée s'oriente, à revoir historiquement les massacres et les infamies qu'ils ont causés, je dois affirmer que non seulement l'Église, n'apporte pas "quelque chose d'irremplacable à la société", mais qu'en plus, on s'en serait bien passé, pendant toutes ces années.
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[1] Ces faits
intéressants proviennent d'une chronique de Carole Beaulieu de
L'Actualité. Le site web du magazine est malheureusement trop corporatiste pour publier la chronique en ligne pour consultation publique.
[2] Garnotte, dans une
caricature publiée le lendemain, réplique avec une image d'un couple mâle se mariant, où un des deux déclare "Content de voir qu'il n'a rien contre le mariage d'un père et son fils".
[3] Ces statistiques ont été compilées à partir de tableaux de Statistique Canada.