Socialisons les coûts et privatisons les profits

Soumis par fpieraut le mardi, 14 octobre, 2003 - 23:18 Analyse
Économie

À la suite de la lecture de l’un des nombreux livres présentant les idées de Noam Chomsky sous forme d’entretiens, mon attention s’est longuement immobilisée sur l’expression suivante : socialisons les coûts et privatisons les profits. Cette phrase si simple mais si représentative, est la formulation que je cherchais pour vous présenter l’une des incarnations de ce concept si habilement mis en œuvre avec notre consentement aveugle.

Il y a de cela quatre mois et demi, je me suis joint à une compagnie émergente de haute technologie au centre-ville de Montréal. Cette compagnie est financée par des investissements à risques et par des fonds publics. Les fonds publics prennent la forme de subventions diverses (ex. CRSNG, crédit de recherches généreux ~75%) et d’une fraction du salaire des employés ayant un âge inférieur à 30 ans.

En échange de ses investissements publics, que j’estime à plus de la moitié des investissements totaux, le gouvernement contraint notre compagnie à demeurer au Québec pour un certain nombre d’années. Cette garantie permet au gouvernement de maintenir l’appui du public à ce type d’utilisation des fonds publics en promettant la création d’emplois et/ou le maintien d’emplois en haute technologie.

Miraculeusement, les investisseurs se retrouvent dans la situation où ils investissent moins de la moitié des coûts et détiennent la totalité des actions de la compagnie. Quoi de plus merveilleux ! De plus, n’allez pas imaginer que nos chers investissements sont des fonds québécois ni canadiens. Dans ce contexte on pourrait au moins se consoler que les éventuels profits seraient des capitaux canadiens. La libre circulation des capitaux qui accompagne la mondialisation permet de plus en plus à notre élite capitaliste de socialiser à son maximum les coûts … chez leurs voisins. Certains me diront qu’une partie des éventuels profits retourneront aux employés via les options d’actions que ceux-ci peuvent négocier. Mais encore là, détrompez-vous, la pratique nous montre que ceux-ci détruisent leur vie en effectuant des heures supplémentaires gratuitement en échange d’un infime pourcentage du total des options d’actions qui leur sont réservées. Cette semaine, l’un de mes camarades n’est pas rentré au travail, on soupçonne un « burnout ». Même si ce n’est pas le cas, ceci se produira assurément. Encore là, c’est la société qui va en défrayer les coûts.

Ce mécanisme de socialisation des investissements à risque et de privatisation des profits doit être dénoncé. Est-ce vraiment un risque lorsqu’on partage les coûts avec toute la population et que l’on est le seul à bénéficier des profits ? De plus, ne tombons pas dans le piège simpliste en croyant que les investissements du gouvernement lui sont retournés sous forme d’impôts, seule une infime partie lui revient dû aux nombreux coûts sociaux indirects. Le maintien de telles politiques de financement public contribue à l’appauvrissement de notre société. Pourquoi n’utiliserions-nous pas les fonds publics pour financer de vrais projets de société ?

Francis Piéraut (j'ai démissionné le 29 septembre 2003)

Révolution tranquille dans le monde du surtravail

by tatien on 19 novembre, 2003 - 16:41Score: 0

Je pense sincèrement que nous devons tous réfléchir à des moyens de mettre en place de nouvelles mécaniques sociales, car bientôt, même les gens ayant une formation hautement spécialisée deviendront de la chair à entreprises. Il me semble assez paradoxal que, dans une société si évoluée technologiquement, nous travaillions plus que jamais dans des emplois aliénants, des milieux de travail complètement malsains, jusqu'à en crever. Il faut aborder le problème sous toutes ses facettes:

  1. Au niveau de la demande de produits secondaires, nous devons cesser la surconsommation et adopter un mode de vie plus simple. De cette façon, nous ne serons plus à la merci du marché du travail car nous aurons peu de besoins. C'est ce qui nous permettra d'attaquer sur le second front:
  2. Au niveau de l'offre d'emploi, nous devons exiger non pas d'être payés plus cher ou d'avoir des options d'achat, mais d'être payé le même salaire pour travailler moins d'heures. En fait, si tout le monde se met à travailler moins d'heures, cela créera une rareté. Résultat: les compagnies n'auront pas le choix de nous payer plus.

En résumé, il faut simplement "ralentir" la machine économico-technologique. Ce n'est pas un refus de travailler ni un refus de la technologie. C'est simplement basé sur le fait que la poursuite du bonheur pour tous:

  1. Est impossible dans un contexte de surproduction-surconsommation, car il n'y a tout simplement pas assez de ressources sur la planète pour permettre à tous ses habitants de consommer autant que l'occidental moyen
  2. Est impossible dans un contexte de surtravail, car (1) il empêche l'individu de se développer sur d'autres plans et (2) il y a beaucoup d'activités très utiles qui, ne se monayant pas, ne sont pas considérées comme du travail (e.g., s'investir dans un journal alternatif comme celui-ci)

Voila mon plan pour la prochaine "révolution tranquille".

Pour en savoir plus sur la simplicité volontaire.