Réflexions sur l'économie de marché

Soumis par tatien le samedi, 29 novembre, 2003 - 13:24 Remarque
Économie

Il m'arrive souvent d'écouter des gens parler d'économie, d'emploi, de salaire, de consommation, etc. Il y a vraiment un message dominant, une espèce de "recette" pour répondre à ces questions. Il me semble souvent que ces réponses éludent des questions plus fondamentales sur la nature de notre économie, prenant pour acquise qu'elle doit être fondée sur des mécanismes de marché et sur l'accumulation du capital. Dans ce blogue, je posterai des commentaires qui constitueront autant de réflexions personnelles au sujet de l'économie.

Profitabilité et marché à l'équilibre

by tatien on 5 décembre, 2003 - 13:18Score: 2

Qui met la barre de la profitabilité? Qui décide de ce qui est profitable? Qu'est-ce qui est un profit acceptable, finalement?

La loi du marché (croyez-le ou non) prédit qu'à son point d'équilibre, le marché est tel qu'il n'y a aucun profit enregistré. Bref, en compétition parfaite, la compagnie qui offre le meilleur prix est celle qui va même jusqu'à couper ses profits. Ce qui est normal, quand on y pense!

Je veux dire, on est d'accord pour payer les employés de la compagnie pour le travail nécessaire à produire la ressource vendue. Mais pourquoi chercher à faire un profit "en plus". Je somme quiconque de me donner une seule bonne raison.

Donc, en gros, étant donné qu'on est pas en compétition parfaite (car il faudrait une infinité de compagnies et un échange parfait d'information sur le marché, ce qui est loin d'être le cas) hé! bien il y a des petits malins qui ont décidé de vendre pour plus cher que ce que ça coûte: c'est le profit. Ils peuvent se le permettre étant donné qu'il y a un nombre limité de compagnies qui offrent le même produit et, souvent, ces compagnies ne cherchent pas à se faire la guerre: car elles peuvent très bien s'entendre sur un niveau de profit minimal en-deça duquel elles ne vont pas descendre. En fait elles n'ont même pas besoin de s'entendre entre elles car les actionnaires recherchent le plus grand profit et par conséquent il y a un certain "baseline" de profit en-dessous de quoi les actionnaires retirent leurs actions. Donc la meilleure stratégie reste de s'assurer qu'il y a toujours un profit minimal, ce qui va à l'encontre même des lois du marché, si on y pense bien, car cette stratégie va de pair avec une forme d'entente implicite qui crée une sorte d'oligarchie.

Qui met la barre du profit? Les actionnaires.

 

Re : Profitabilité et marché à l'équilibre

by anarcat on 5 décembre, 2003 - 17:17Score: 2

Le pire, c'est que les actionnaires en question, c'est souvent vous et moi! Avec les fonds de retraites, les REÉR et toutes les autres patentes de marde qui sont gérées dans notre dos, et desquelles ont veut justement le maximum de profit, on fait faire des choses au marché qu'on a pas idée.

Créer des emplois???

by tatien on 29 novembre, 2003 - 14:46Score: 3

Quand des gens critiquent l'Imperial Tobacco parce qu'elle vend une drogue nocive dont les coûts sociaux exhorbitants sont assumés par les contribuables, ou toute autre compagnie vendant un produit dont elle n'assume pas les coûts sociaux, une réplique souvent entendue est que ces compagnies "créent des emplois" et seraient par conséquent des "plus" pour la société, sans oublier qu'elles font "rouler l'économie".

Il me semble que cette vision des choses est extrêmement fallacieuse. Si le fait de créer des emplois est toujours moral, alors il n'y a jamais lieu de discuter. À ce compte, la maffia ne devrait pas être illégale, car elle crée des emplois dans le domaine de la revente de drogue, de la prostitution, du racket et de l'assassinat. Mais même sans aller dans cet exemple un peu tordu, mon point est que, dans une économie, on souhaite produire des biens utiles pour les consommateurs. Le but n'est pas de "créer des emplois" mais bien de "créer de la richesse". Or, si ce qu'on crée, ce n'est pas de la richesse mais de l'anti-richesse (e.g., du tabac), on s'en fout des emplois. Après tout, ce n'est pas à une création d'emplois qu'on assiste mais bien à un choix de production, car les nouveaux employés d'Imperial Tobacco (dans mon exemple) auraient également pu trouver un emploi dans d'autres types de compagnie.

Donc, tout ce que fait Imperial Tobacco, c'est de faire "rouler l'économie" en employant la force de ses employés pour vendre de l'anti-richesse à un maximum de monde. Au bout du compte, ce qui est important et qui demeure, ce n'est pas de savoir si telle ou telle compagnie crée ou non des emplois, car il y aura toujours une force productive humaine qui sera prête à travailler plus ou moins, mais bien de savoir comment, dans notre économie, cette force productive est employée. À la production de quels biens nous souhaitons l'employer? Est-ce que nous considérons comme une richesse une cigarette qui, rapportant 1 cent à celui qui la produit, en coûte 2 à l'État en soins de santé?

N.B. L'exemple de la Imperial Tobacco est tout à fait fictif et le raisonnement peut s'appliquer à beaucoup d'autres cas.

 

Un autre exemple

by anarcat on 29 novembre, 2003 - 16:50Score: 2

...est l'exploitation forestière. Parfois abusive, elle est toujours justifiée par la "création d'emploi" et la sacro-sainte économie. En fait, ces mots de velours cache l'horrible réalité: cette économie et en fait des compagnies privées sont de fait "propriétaires" de ville entières, mais jamais officiellement. Par exemple, si l'Alcan ou la "Price" fermait à Jonquière, t'aurais un sacré bon nombre de monde dans la rue. Attaquer ces compagnies pour leur pratiques, c'est attaquer leur employés, leurs familles, la fichue ville au complet finalement.

Le pire, c'est que cette économie n'est vraiment pas viable, et c'est un fait connu et démontré. On n'a qu'à regarder Murdochville, ou Fermont, des villes qui se vident après que "la Compagnie" a eu ce qu'elle voulait. La baise prostituant la terre étant terminée, la cliente crisse son camp avec la caisse. Et la ville, les gens qui y vivent se retrouvent dans un désert.

On est rendu à voir la ville et les humains en elle même comme une chose strictement utilitaire, mécanique. C'est comme un gros jeu de SimCity: ici un poste de police ici parce qu'il y a du "crime". Là, une usine de pâtes et papiers pour "créer de l'emploi". Et là: une centrale au charbon. Ah non, c'est vrai, c'est notre énergie verte, l'hydro-électricité! Ça nous fait des réservoirs de mercure pour des générations et déplace des entières populations!

Charmant!