Le projet Kyoto est sur le point de sombrer avec le refus de collaborer de la Russie. Il reste que le protocole en phase terminale aura au moins favorisé les discussions concernant l’utilisation de l'énergie et la façon de la produire. Il existe entre autre un débat important qui a lieu à travers le monde au sujet du charbon propre. Ce débat est très peu médiatisé au Québec car il ne s’y produit et ne s’y consomme que très peu de charbon (merci Hydro-Québec). La question reste importante car le charbon est la source d’énergie la plus facilement disponible globalement et aussi malheureusement la plus polluante.
Le charbon est depuis le début un moteur important de l’industrialisation car il permet de produire à faible prix de la chaleur et conséquemment de la vapeur et de l’électricité. Son utilisation et son extraction demandent un niveau technologique relativement bas. Il est presque impensable aujourd’hui de vouloir éliminer son utilisation car l’industrie à travers le monde en dépend. Environ 40% de la production mondiale d’énergie se fait par l’utilisation du charbon (contre 25% pour le gaz et le pétrole combinés, 17% pour l’hydraulique et 17% pour le nucléaire). Il est logique de vouloir s’attaquer au charbon pour couper dans le gras côté pollution. Une des approches au problème est de rendre l’utilisation du charbon moins polluante. Une autre approche consiste à remplacer l’utilisation du charbon par d’autres sources d’énergie. Évidemment il y a toujours l’approche de la réduction de la consommation qui règle le problème à la base mais qui a aussi des conséquences.
Comme la tendance actuelle va vers l’augmentation de la consommation d’énergie, le débat concernant le charbon tourne autour des deux premières approches soit : l’amélioration des techniques permettant d’exploiter cette ressource versus le remplacement par une autre source d’énergie. La première position a fait apparaître l’expression « clean coal » ou charbon propre. Elle est surtout supportée par les entreprises et les pays qui produisent et consomment déjà beaucoup de charbon. L’approche du remplacement défend l’idée que tout investissement fait dans l’amélioration de l’exploitation du charbon pourrait plutôt aller au développement de technologies liées aux sources renouvelables d’énergie.
Qu’est ce que le « clean coal »?
Le « clean coal » est une expression qui évoque toutes les technologies permettant de réduire la pollution résultante de l’utilisation du charbon. Ces technologies sont variées et peuvent affecter l'une ou l’autre des étapes d’exploitation du charbon allant de l’extraction à la consommation en passant par le raffinement.
-On veut tout d’abord s’assurer de maximiser la valeur du charbon extrait car cela améliore le ratio « énergie produite/émission polluante » Il existe en effet plusieurs variétés de charbon avec des niveaux de valeur énergétique variables (liée à la concentration de carbone).
-On veut ensuite réduire la quantité de produits indésirables qui ne contribuent pas à la valeur énergétique du charbon mais qui se retrouvent dans l’atmosphère si on les laisse brûler avec le charbon. C’est le cas du sulfure qui est l’élément le plus polluant du charbon (à part les gaz à effet de serre produits par le processus de combustion).
-On veut aussi maximiser la quantité d’énergie extraite à la combustion. Ainsi on diminue la masse de charbon utilisée pour obtenir une quantité donnée d’énergie. On diminue par conséquent la masse de matière polluante produite.
-Il est possible aussi de mieux filtrer les déchets liés à la combustion et ainsi en disposer de façon plus « appropriée ».
Toutes ces choses sont certainement souhaitables. Si on est pour utiliser le charbon de toute façon, aussi bien le faire le plus proprement possible. Il reste qu’il ne faut pas se laisser prendre par le côté accrocheur du terme « charbon propre ». Il s’agit en effet d’une formule typique des magiciens de la mise en marché qui consiste à donner une image plus belle que la réalité. Le charbon propre ça reste du charbon et ça reste plus polluant que le gaz naturel par exemple (sans parler des panneaux solaires). Une façon plus appropriée (mais moins « marketable ») de présenter la chose serait de dire que le charbon est « très sale » et qu’on aimerait le remplacer par du charbon « sale ».
Quels sont les avantages du charbon par rapport aux autres sources d’énergie?
D’abord le charbon est beaucoup plus facile à extraire et à utiliser que les autres sources d’énergies. Les défenseurs du charbon diront que cela rend le charbon beaucoup plus accessible aux économies en développement et qu’en limiter l’utilisation correspond à tirer dans le pied des nations les plus pauvres. Il va de soi que le charbon propre, lui, est beaucoup plus coûteux que sa version sale, ce qui rend cet argument moins valable.
Le charbon est aussi beaucoup mieux distribué sur la planète que le sont le pétrole, le gaz naturel et le potentiel hydroélectrique. Cela va dans le même sens que le premier argument en plus d’avoir d’autres conséquences. En effet comme il y a du charbon partout, il est toujours près du lieu où on veut l’utiliser, ce qui réduit les coûts monétaires mais aussi les coûts écologiques du transport (marée noire, utilisation de terres pour des lignes de courant ou oléoducs, etc.) De plus cette distibution avantageuse rend le charbon plus stable sur les marchés, réduisant les risques de catastrophes économiques pour les pays plus fragiles. Finalement la répartition du charbon fait qu’il n’est pas source d’instabilité géopolitique comme l’est le pétrole.
Le plus grand avantage du charbon est qu’il est déjà bien implanté dans l’économie mondiale. Ceci est un avantage sur les autres sources d’énergie car il n’y a pas à refaire toute l’infrastructure d’exploitation et de redistribution. Ainsi investir dans la réduction de pollution par le charbon propre est moins coûteux que de tenter de le remplacer par une autre source d’énergie. Ainsi diront les défenseurs du charbon : Si vous avez une somme limitée à investir dans la lutte à la pollution, vous obtiendrez plus d’unités de pollution pour votre investissement en rendant 40% de votre production d’énergie moins polluante qu’en essayant de remplacer une maigre partie de cette source par une autre moins polluante mais aussi plus coûteuse.
Les arguments contre le charbon propre
Il saute aux yeux que les arguments pro-charbon mettent en valeur ses avantages sur les autres sources d’énergie non renouvelable. Les détracteurs diront que le charbon est un anachronisme qui devrait disparaître et laisser sa place à des sources d’énergie non polluantes et renouvelables. Le soleil et le vent sont, encore mieux que le charbon, distribués sur toute la planète. Investir dans le charbon propre c’est, dit-on, détourner des fonds réservés à la lutte à la pollution vers des programmes perpétuant la main mise de certain industriel sur les marchés oligarchiques de l’énergie non renouvelable.
Plusieurs gouvernements ont déjà fait leur choix concernant le charbon propre. Le gouvernement Bush a annoncé des investissements de deux milliards dans la recherche en 2002 (voir texte). Au Canada une association de producteurs d’électricité et de charbon, le « Canada`s clean combustion network », fait la promotion des technologies « clean coal ». Il existe un tel groupe de pression aussi en Europe, le Euro Clean Coal Net. On a aussi déjà annoncé la construction de nouvelles centrales électriques au charbon en Chine où la demande en énergie croit au même rythme que l’économie. Chaque nouvelle construction de centrale au charbon représente autant de contrats pour les compagnies détenant les brevets sur les technologies de charbon propre.
Tout cela montre bien que le charbon est là pour rester et que les écologistes doivent se consoler à l’idée que le charbon est moins sale qu’avant. Il faudra attendre cependant avant de voir un effort significatif pour aller vers un monde sans combustion de produit fossile. Le soleil et le vent sont encore trop gratuits pour être rentables.