Une militante bien connue de la gauche montréalaise s’éteint

Soumis par anarcat le lundi, 15 mars, 2004 - 12:19 Référence
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Montréal, le 12 mars 2004 : La gauche montréalaise perd une grande dame. Dans la nuit du 9 ou 10 mars, madame Jacqueline Saint-Urbain est décédée à l’hôpital Notre-Dame, à l’âge de 74 ans, des suites d’une infection pulmonaire. C’est entourée de ces ami-es, que s’est éteint courageusement l’une des grandes femmes du Québec.

Orpheline de Duplessis, madame Saint-Urbain, dont le nom de famille lui avait été attribué après qu’on l’ait retrouvé sur la rue St-Urbain, à Montréal, alors qu’elle était encore un poupon, a été pendant de nombreuses années l’une des victimes d’un système d’exclusion et d’exploitation.

Elle passera donc les 37 premières années de sa vie dans des institutions religieuses, mais son désir de liberté la poussera à quitter ses institutions à de nombreuses occasions.

Fugueuse et fougueuse, elle refusera de se faire dicter son chemin et prendra la voie de la liberté en 1964. Enfin libre, elle passera une grande partie de sa vie à faire le tour des maisons de chambres et des ressources en itinérance, réalité d’une femme sans domicile fixe. Sans port d’attache, elle passera la plus grande partie de sa vie dans les parcs. Ses expériences difficiles seront nombreuses : agressions sexuelles, hommes violents et propriétaires harcelants, madame Saint-Urbain réussira tout de même à survivre de ses maigres prestations d’aide sociale, seulement destinées aux gens malades à l’époque. C’est sans doute cette situation injuste – l’accès à l’assistance publique uniquement pour les personnes malades – qui fera d’elle une grande combattante pour la justice et l’équité.

Sans famille connue... ou plutôt si, celle du militantisme

Madame Saint-Urbain a milité dans la coalition Scrap Paradis, contre la loi 37 (aide sociale) à la fin des années 80. Elle était aussi du nombre des personnes qui ont occupé pendant 14 jours les bureaux du Protecteur du citoyen en mai 1992, occupation organisée par la Coalition contre la loi 37.

François Saillant, du Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) se rappelle d’elle en ces termes : « Pendant des années, cette toute petite femme, qui en était une bien grande, a été de toutes les manifestations, de toutes les occupations, de toutes les actions directes sur le logement, l'aide sociale, la mondialisation, la brutalité policière et quoi encore… ».

Il faut souligner que madame Saint-Urbain était entre autres une figure bien connue du FRAPRU. Elle était notamment dans des actions à Montréal, à Québec, à Ottawa, devant les bureaux de l'ex-premier ministre Chrétien à Shawinigan ou devant la conférence fédérale-provinciale des ministres de l'Habitation, à London, en Ontario. Elle a de plus pris part à des actions de l’Ontario Coalition Against Poverty (OCAP), en Ontario.

Au Comité des sans-emploi Montréal-centre, instigateur du fameux squat Overdale – Centre Préfontaine à l’été 2001, on se rappelle d’elle comme l’une des plus fidèles militantes. Entre autres, cette doyenne des squatters a participé aux déménagements de députés, à l’occasion de la campagne contre la réforme Axworthy sur l’assurance-chômage en 1995. Elle a également fait partie des deux commandos-bouffe, le premier à l’hôtel Reine-Élizabeth en décembre 1997, et celui de 1999, à l’hôtel Marriott. « Ses coups de sifflets vont nous manquer. Elle n’avait pas peur de braver les forces policières pour défendre jusqu’au bout ses idéaux. Les actions directes et radicales ne la rebutaient pas. Au contraire, elle était toujours à l’avant-scène, dans les actions et dans les manifs. C’était une grande battante. », se souvient son amie Julie Leblanc.

C’est certainement les jeunes de la rue qui auront marqué le plus l’existence de madame Saint-Urbain. À cet égard, on se souviendra de l’arrestation massive de militantes et de militants au parc Émilie-Gamelin à l’été 1996. Madame Saint-Urbain, alors âgée de 68 ans, n’avait pas échappée aux griffes des forces policières : non seulement avait-elle été arrêtée, mais elle avait été brutalisée (blessures aux côtes). De plus, son affection pour les jeunes marginaux s’expliquait sans doute par le fait qu’elle s’identifiait à eux, elle ayant été sans logis et sans attache familiale. Plusieurs jeunes de la rue la surnommaient affectueusement « Mami-Jack ».