Au matin du premier novembre, le Devoir expose en première page une photo de la manifestation contre la ZLÉA, qui avait lieu la veille. L’image, démontrant un individu s’en prendre à une voiture de police, ne tarda pas à susciter des réactions de la part des organisateurs de cet événement qui ont trouvé que « Le Devoir ait choisi de retenir qu’ « une des très rares scènes de violence » de cette imposante mobilisation pacifique, festive et constructive. » Cette réponse de la majorité des associations étudiantes de l’UQAM au Devoir, qui a été publié le 5 novembre avait certes sa place, mais cette dynamique médiatique en dissimule une autre. Elle cache en fait le mouvement comme tel.
Ce mouvement est en pleine émergence et les dynamiques entourant ce mouvement dépassent les frontières du Québec et regroupent des individus aux façons de voir et de faire qui ne vont pas toujours de pair. Les actions de l’individu en première page du Devoir démontrent bien une réalité interne du mouvement alter-mondialiste qui mérite attention. Cependant, pour mieux comprendre le mouvement, il est essentiel de voir à quoi il s’oppose. La mondialisation est un sujet très vaste et ses détails ne sont guère pertinents pour la compréhension du geste violent de l’individu sur la photo. Cependant, l’arrivée de celle-ci permettra de mettre en contexte la naissance du mouvement ainsi que la situation socio-politique que ces deux phénomènes occupent aujourd’hui. Enfin, la mondialisation et la situation socio-politique du mouvement permettront d’approfondir les idéaux derrière le mouvement et par conséquent, analyser les actions qui en découlent.
Historique de la mondialisation
L’idée de la mondialisation est d’abord à déterminer avant même de pouvoir en faire l’historique. L’humain a toujours eu une conception du monde. Même lorsqu’il le voyait plat, il était capable d’avoir une image mentale des limites de son environnement. Il n’a d’ailleurs pas changé : le monde aujourd’hui se limite à la biosphère. D’où vient donc le concept? En fait, le terme, le concept ainsi que son explosion fulgurante dans l’esprit des gens sont récents. Ce qu’il ne l’est pas, c’est de sa venue. Deux caractéristiques étaient nécessaires à son établissement. D’abord, l’humanité y est pour beaucoup comme l’avance si bien Christian Grataloup en affirmant que « la mondialsation découle du simple effet de la masse de l’humanité et semble inévitable au moins depuis le néolithique. » Bien que l’époque soit peut-être exagérée, la pensée n’est pas folle. Au fil des temps, l’être humain a su occuper de plus en plus d’espace et son emprise sur le monde était inévitable. Pourtant, cela fait bien longtemps qu’il occupe chaque recoin de la Terre alors, quel autre élément l’être humain avait-il besoin pour concevoir une mondialisation? Certain diront que le contexte politique ou économique y est pour quelque-chose. On parle ici du libéralisme et de ses impacts. Ils n’ont sans doute pas tort dans la situation actuelle, mais l’humanité aurait du faire face à une mondialisation et ce, peu importe le régime politique.
Imaginons le monde comme une grande maison. Si je suis une fourmi dotée d’intelligence à l’intérieur de cette maison avec mes milliards de semblables, je ne serai pas capable de concevoir la vie que mènent les autres au deuxième étage ou au sous-sol, par exemple. Un être humain dans la même maison cependant le peut. Ce qui fait en sorte qu’il le peut dépend de deux barèmes, soit une meilleure communication et un déplacement plus rapide. En fait, pour revenir à la mondialisation, la vitesse devient l’élément clé. Pour les déplacements physiques, on peut penser aux avions, trains, bateaux, mais il ne s’agit pas que de cela. Les sciences comme la cartographie et la physique ou certaines infrastructures comme les routes et les ponts ont peu à peu permis des déplacements physiques efficaces. Les communications ont eu le même essor comme l’explique si bien Ignacio Ramonet :
« Nous avions, pour communiquer, trois systèmes de signes : l’écrit, le son et l’image. Chacun de ces éléments a été inducteur d’un système technique. L’écrit a donné l’édition, l’imprimerie, le livre, le journal, la linotypie, la typographie, la machine à écrire, etc…Tout comme le son a donné le language, la radio, le magnétophone, le téléphone ou le disque. L’image a produit la peinture, la gravure, la bande dessinée, la photographie, le cinéma, la télévision, la vidéo, etc… »
Ce qui a par la suite révolutionné les déplacements d’information et de matériel, c’est l’arrivée du numérique. Le numérique a permis la transmission d’information à la vitesse de la lumière et il a aussi permis d’atteindre une précision incroyable. En fait, l’optimisation des communications et des déplacements physiques fait en sorte que le monde est constamment en situation d’échange.
Ceci amène à mieux comprendre la situation actuelle de la mondialisation. Maintenant que le contexte technique a démontré sa nécessité pour une mondialisation, il suffit de l’incorporer dans le contexte politique actuel. Depuis la chute de l’empire soviétique, le monde ne suit qu’une idéologie : le libéralisme. Peu importe si certains le nomment néo-libéralisme ou capitalisme, l’important c’est de comprendre le caractère économique de cette situation : Les entreprises privées sont les moteurs de l’économie. Depuis l’arrivée du libéralisme, cette pensée politique essaie du mieux qu’elle peut de mettre en pratique le concept de liberté à l’intérieur d’un pays. Cependant, son arrivée est essentiellement due à la bourgeoisie et c’est elle qui en fera les fondements. Beaucoup de changements ont été effectués depuis sa mise en place. On peut penser au fait qu’il fallait posséder une terre pour pouvoir être libre à l’époque. On ne retrouve plus ce type de discours, mais les prisonniers au Québec ont reçu leur droit de vote que tout récemment et les Zapatistes se battent toujours pour avoir leurs terres. Au fond, c’est un peu comme si la pensée évoluait tout en gardant des traces de ses fondements. Un des rajouts à cette pensée, qui est maintenant devenu une base, est l’insertion du Darwinisme dans le libéralisme. Ce rajout est essentiellement du à une controverse d’alors. Afin de justifier l’exploitation de travailleur et de différence de classe, les bourgeois ont emprunté l’idée de compétition au sein même d’une espèce ; théorie avancée par Darwin. Par cet ajout, le libéralisme devenait nécessaire pour l’être humain comme l’est cette compétition pour l’évolution d’une espèce. Bien des choses ont changé depuis. La biologie a modifié ses termes et le libéralisme en a fait de même en le nommant concurrence. Depuis ce nouveau fondement, il est clair pour les gens qui prônent cette pensée que la compétition ou la concurrence est naturelle. Ce qui s’est donc passé, c’est que les entreprises les plus faibles se sont vues disparaître. Cependant, les entreprises privées les plus fortes ont donc grandi au fil du temps et l’arrivée de ces technologies leur donne maintenant beaucoup d’avantages.
D’abord, il est possible pour ces compagnies de communiquer plus facilement avec d’autres compagnies étrangères et donc, d’obtenir plus de contrat dans sa totalité. En conséquence, on augmente le nombre de marchés accessibles grâce à la vitesse de déplacement des informations et des marchandises. Aussi, grâce à la numérisation, il y a diminution des erreurs humaines. Évidemment, ceci permet de remplacer les travailleurs par des systèmes informatiques, mais il a surtout comme conséquence d’améliorer la dynamique de l’entreprise. Il n’y a plus de dossier perdu ou qui tourne en rond dans différents départements. Tout est à un seul endroit et est géré efficacement. En fait, à cause de cette découverte, les entreprises sont maintenant capables de gérer plusieurs compagnies sous la même tutelle. On voit donc apparaître les multinationales par le biais de fusions. Leur expansion couvre les secteurs qui les concernent au départ mais aussi des secteurs qui ne les concernaient pas avant. Par exemple, dans un des articles de Léo-Paul Lauzon, celui-ci explique très bien la situation de Power Corp. en mentionnant que : « Power possède aussi des intérêts dans le pétrole, la gestion de caisses de retraite, l’eau, l’électricité, la planification financière, etc… » Ces multinationales deviennent par le fait même des acteurs financiers importants qui peuvent influencer facilement des gouvernements puisque plusieurs d’entre elles pourraient littéralement acheter certains pays. Ce qui nous ramène à la mondialisation.
Si ce n’était que d’échange commercial sans y intégrer le politique, il n’y aurait certainement pas de controverse sur le sujet ou, à tout de moins, il y en aurait moins. Cependant, avec les fusions, les multinationales se retrouvent disséminées un peu partout à travers le monde selon les spécificités de chaque pays. Leur influence augmente sans cesse auprès des dirigeants de ces pays et les politiques qu’ils adoptent sont bien souvent en faveurs des patrons de ces compagnies. Le pouvoir politique donc se décentralise et s’affaiblie au profit de l’économie comme le soutient encore une fois M.Lauzon.
« La décentralisation serait donc une bonne chose, partout dans les services rendus par le « monstre étatique ». Bizarre n’est-ce pas, ce bon conseil de décentralisation ne s’adresse qu’au secteur public : la concentration atteint pourtant des sommes inégalés, dans l’alimentation, les banques, le transport ferroviaire, les pétrolières, les pharmaceutiques et les médias. Les fusions à gogo ont centralisé comme jamais mais, dans le déisme du marché, le privé c’est toujours correct. »
Bref, la machine libérale prend du poids et la mondialisation est pour eux un outil pour en obtenir plus et c’est sur ces impacts justement que le mouvement alter-mondialiste a pris forme en s’y opposant.
Le mouvement et ses différentes interactions
Il faut comprendre au départ que ce mouvement est encore jeune, mais qu’il est déjà plus mature. On peut maintenant mieux le situer dans sa cause. Ce qui est intéressant de constater, c’est la situation bicéphale qu’il l’anime. D’une part, le mouvement fait face au contexte du pays dans lequel il se trouve et d’autre part, ces enjeux sont mondiaux. Ceci le pousse à avoir deux fronts à travailler. Il faut donc voir les interactions de la même facon et les analyser séparément. D’abord, les regroupements qui forgent le mouvement à l’intérieur d’un pays ont à faire avec trois sphères d’influence soit l’économie, le politique et le civil. Évidemment, la sphère économique est une des sphères qui est très peu encline à entendre leur cause et c’est essentiellement de leurs actions que le mouvement est né. Cependant, il n’y a pas un blocus unanime de tous les acteurs économiques. Certains sont pour une mondialisation mais envisagent les effets pervers d’une ouverture des marchés sans régulation sociale. Par exemple, le CQAL (Conseil québécois pour l’Amérique latine) « recommande que l’observatoire québécois de la mondialisation prenne des mesures pour qu’on puisse mieux comprendre les enjeux d’un aussi haut niveau de dépendance du PIB et des emplois québécois envers notre voisin du Sud (États-Unis), de même que les risques encourus si le niveau de cette dépendance devait continuer d’augmenter. » Alors que ce groupe n’est pas forcément contre la mondialisation, il trouve important de s’attarder à ses répercussions et que la population soit au courant. On peut dire que ces acteurs économiques, sans être contre la mondialisation, sont un pont qui existe entre eux et le mouvement. Des ententes éventuelles peuvent être conclues avec eux pour gagner certaines causes mais en général, il n’y a point de communication entre les deux.
La situation est différente avec la sphère politique. Le mouvement étant avant tout une communauté de groupes et d’individus, ceux-ci sont parfois assez influents pour jouer un rôle politique. Il y a donc de ce côté un appui modéré puisque les instances politiques se situent entre deux fronts sur cette polémique. D’une part, les demandes de la population leur font pression, mais il y a aussi les demandes parfois antithétiques du domaine du privé. À vrai dire, le politique est sûrement l’endroit qui peut faire changer les choses à propos de la mondialisation au Québec. Notre système démocratique oblige les personnes au pouvoir à être attentives à ces demandes pour ne pas perdre leurs postes aux prochaines élections. Cependant, cette attention que devraient porter les députés envers la population est difficilement palpable. D’ailleurs, la polémique à propos de la mondialisation a soulevé bien des débats sur ce sujet. Par exemple, l’obtention des textes de négociation de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA) a été refusée pendant longtemps par les gouvernements. Éric Desrosiers cite Dorval Brunelle, directeur du Groupe de recherche sur l’intégration continentale de l’Université du Québec à Montréal, de la façon suivante :
« Se rappelant la bataille épique qui avait été nécessaire pour obtenir la publication de cette première version, le spécialiste précise qu’il faut se réjouir du fait que les gouvernements n’aient apparemment pas vu cette fois-ci d’objection au dévoilement de sa mise à jour. »
Bien qu’il s’agit d’une belle victoire pour le mouvement, il en reste encore bien d’autres qui nécessitent d’être gagnées pour que celui-ci ait son mot à dire dans toutes les négociations mondialistes. À vrai dire, la participation à ses réunions est une des revendications du mouvement qui démontre une volonté de participation à ces décisions. Cependant, pour que le mouvement ait un poids politique suffisant pour contrebalancer l’influence économique, il doit obtenir un appui majeur de la population. La sphère civile est l’endroit pour puiser ce soutien puisqu’il s’agit de l’ensemble des citoyens. On pourrait définir civil, citoyen, population, etc. Ce qui est important de comprendre, c’est que le mouvement tisse ses liens à l’intérieur même de cette sphère. Certains donnent déjà leurs appuis alors que d’autres restent à convaincre. Plus le mouvement prend de l’ampleur et plus les luttes ont des chances d’obtenir certains gains.
Ces différentes luttes, même si elles ont un appui énorme de la part de la population dans un certain pays, n’arriveront peut-être pas à terme pour les facteurs qui sont externes à ce pays. Depuis la naissance de l’ONU, que tout le monde connaît, bien d’autres instances mondiales ont fait leur apparition. Ces instances étaient d’abord de deux ordres : politique et économique. Le Fonds Monétaire International (FMI), l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et la Banque Mondiale sont de ces instances qui voient au bon fonctionnement de l’économie. Cependant, ceux-ci voient en même temps à ce que le libéralisme reste en place. La notoriété qu’ils ont acquise à force d’aider les pays avec des prêts par exemple, leur permet de faire pression sur les pays qui voudraient faire autrement. À titre d’exemple, l’élection du président Luiz Inacio Lula da Silva du Parti Travailleur (PT) au Brésil a causé bien des émois et il en cause toujours. Frédéric Legendre dans Quartier Libre affirme que les actions du FMI sont anti-démocratiques puisqu’elles mettent le gouvernement élu dans une position instable. Il ne s’agit pas ici de scrutin bafoué, mais de pressions externes qui mettent le gouvernement élu dans une situation socio-économique perdante. En fait, les propos de Frédéric Legendre résument bien la pensée des instances économiques mondiales : « On imagine difficilement comment le FMI pourrait juger « saines » les politiques budgétaires d’un gouvernement qui s’opposerait au libéralisme et qui voudrait mettre fin à l’impérialisme américain. » Ce type de pression continue toujours malgré les annonces publiques du PT qui maintiennent que :
« La priorité du gouvernement est de récupérer la capacité qu’a l’État brésilien de formuler de façon souveraine ses politiques économiques, et cela implique des conflits avec le système financier international, avec le FMI. Le point de vue du PT, à la base, n’a absolument pas changé face aux conditions posées par le FMI. (…) Le débat sera donc de déterminer la stratégie pour s’attaquer à la dette interne et à la dette externe. »
L’attitude et les pressions de l’OMC ou de la Banque Mondiale sont du même ordre. Ces instances voient essentiellement à leurs intérêts économiques et les situations qui dérogent au bon fonctionnement libéral entraînent les difficultés que vit présentement l’Argentine.
D’autre part, il y a les instances politiques mondiales. Bien que ces instances donnent l’illusion d’une certaine représentativité, il n’en demeure pas moins qu’elles sont élitistes. Le G7(8) regroupe les sept (ou huit) « Grands » pays de ce monde (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni), l’Organisation du traité d’atlantique nord (OTAN) regroupe les pays occidentaux et nord-américains et pour ce qui est de l’ONU, bien qu’elle fait appel à un nombre magistral de pays, cinq droits de veto sont attribués aux puissances majeures comme les États-Unis, la France, l’URSS, etc. Le rôle de ces instances est variable : L’ONU fait appel à plusieurs champs d’action humains alors que l’OTAN s’entend surtout sur des stratégies guerrières. Ce qui est essentiel de retenir, c’est que ces instances politiques défendent les intérêts des pays qui sont fortement industrialisés. D’autres organisations mondiales sont en place mais leurs champs d’influence sont restreints et minimes. Évidemment, ceci est dû à un manque d’acteurs politiques importants. Cependant, avec les contestations qui se font de plus en plus contre ces deux types d’instances mondiales, des instances alternatives commencent à faire surface : Le mouvement s’organise.
Les dynamiques internes du mouvement alter-mondialiste
À l’intérieur du mouvement alter-mondialiste, plusieurs dynamiques sont notables. La situation mondiale dans laquelle il se situe ne fait que confirmer ce point puisqu’il fait appel à de nombreux regroupements, organismes et individus. Étant donné la multitude de dynamiques qu’il serait possible d’analyser, il est important d’orienter l’analyse afin de cerner ce qui est propre au Québec. La ZLÉA est donc un bon guide externe au mouvement. Elle sera utile pour l’élaboration d’une mise en contexte extérieur au mouvement et sera d’autant plus pertinente puisqu’une de ses rencontres a eu lieu récemment à Quito. Les dynamiques de leur part se limiteront à deux tendances. D’abord, l’identification des principaux acteurs permettra de mieux cerner les diverses revendications de chacun de ceux-ci. Ensuite, les principales idéologies du mouvement seront élaborées pour faire le pont avec les diverses revendications d’abord, mais aussi pour expliquer les actions qui émanent de celles-ci.
À l’intérieur du mouvement alter-mondialiste, plusieurs regroupements sont visibles et identifiables. Malgré leurs causes communes, leurs raisons d’être à l’intérieur de ce mouvement sont cependant différentes. À partir du texte de Caroline Lefebvre qui explique les différentes clauses ou mandats de la ZLÉA, ces différents groupes seront associés aux clauses qui s’y rapportent. En général, la ZLÉA a pour mandat de supprimer les taxes douanières et d’ouvrir les marchés à travers l’Amérique mais son rôle s’est élargi à libéraliser toute l’économie. En fait, « La ZLÉA est en quelque sorte le ramassis des accords déjà existants, mais de nouvelles clauses seront appliquées à des nouveaux secteurs. » Par conséquent, elle libéraliserait « le commerce des services (…), y compris tous les programmes publics, et d’éliminer graduellement tous les obstacles gouvernementaux à la concurrence internationale dans le secteur des services. » Bien des regroupements s’opposent à la privatisation des services rendus présentement par l’État. D’abord, bon nombre d’associations étudiantes s’opposent à la ZLÉA pour ce point. La privatisation de l’éducation la rendrait inaccessible pour la majorité d’entre eux. Les coûts associés a une éducation de niveau universitaire seraient limités aux mieux nantis. Dans le meilleur des cas, il y aurait un système d’éducation à deux vitesses. Ceux qui pourraient se payer les coûts d’une éducation privée sortiraient nettement avantagés d’une telle situation puisque l’entreprise n’aurait pas à assumer les coûts de la gratuité scolaire. L’étudiant obtiendrait donc une éducation à la hauteur de ses finances. On retrouve aussi, dans ceux qui s’opposent à la privatisation des services, les syndicats des travailleurs. En fait, ceux-ci s’opposent à bien plus que la privatisation des services. Ils perçoivent les mesures sur l’investissement comme un danger plus que potentiel. Caroline Lefebvre explique ce point de la façon suivante.
« (…) un cadre de travail légal juste et transparent afin de promouvoir l’investissement par le biais de la création d’un environnement stable et prévisible, protégeant l’investisseur, ses investissements et leur mouvement, sans créer d’obstacles aux investissements provenant de l’extérieur de l’hémisphère. La ZLÉA inclue également des dispositions sur les investissements, en vertu desquelles les sociétés pourraient poursuivre les gouvernements directement pour toute perte de bénéfices résultant de l’adoption d’une loi conçue pour protéger la santé et la sécurité, les conditions de travail ou les normes environnementales. »
Évidemment, cette position à l’intérieur d’un texte de loi répugne les syndicats qui veillent à la santé et la sécurité de leurs membres et qui s’assurent aussi des conditions de travail de ceux-ci. En parallèle, les groupes environnementaux sont aussi sur le qui-vive. Les progrès environnementaux étant rares, cet article de loi pourrait rendre la chose encore plus difficile, voir même impossible. Les rejets industriels, la gestion des ressources et tous les autres défis environnementaux nécessitent nécessairement des investissements. Les compagnies ne paieront jamais leurs actes frauduleux envers l’environnement avec une telle protection légale. Les gouvernements seront ceux qui devront débourser pour les dégâts et avec le budget que le ministère de l’environnement a : il faut s’attendre à des efforts minimalistes dans ce secteur. Finalement, comme il a été mentionné auparavant, le huis-clos des rencontres des dirigeants politiques et économiques pour l’adoption de la ZLÉA est mal perçu par les regroupements et associations qui défendent les droits de la personne. Pour eux, les citoyens ont le droit de savoir concrètement le déroulement de ces discussions et ils ont aussi le droit d’y participer. Bien entendu, il y a bien d’autres groupes à l’intérieur du mouvement alter-mondialiste, mais l’important est de comprendre que l’ensemble de ces groupes, qui proviennent de d’autres mouvements (étudiant, écologiste, etc.), s’attaquent essentiellement à la mutation des acquis sociaux ainsi qu’à la souveraineté démocratique des populations de se prémunir des lois qui lui conviennent en ce sens. Donc, étant donné que chaque groupe a ses intérêts propres dans ce mouvement, il est essentiel pour celui-ci de converger ses forces. Pour ce faire, son organisation tient de cette réussite.
L’organisation du mouvement alter-mondialiste ressemble beaucoup aux interactions mentionnées précédemment : Il y a l’organisation au niveau mondial et national. En fait, l’organisation nationale a, à mon avis, les mêmes similitudes que l’organisation provinciale ou régionale. Bien que plus le territoire diminue, plus il est facile pour les regroupements de se rejoindre, il y a malgré tout l’avantage d’une situation sociale que tous partagent et d’un langage commun. Même si le Canada est un pays bilingue, la communication à l’intérieur du mouvement n’est pas problématique. Ce qui est problématique, par contre, ce sont les divergences d’opinion sur la situation sociale. Ces divergences s’accompagnent d’une foulé d’idéologies qui rendent le consensus à l’intérieur du mouvement très difficile. Cependant, devant la montée de la droite qui appuie la mondialisation libérale pure et dure, la gauche a tôt fait de réagir et le besoin de s’unir s’est fait sentir. Dernièrement donc, une réunion des différents groupes de gauche avait comme objectif d’ « unir les forces de gauche autour d’une réflexion approfondie sur les enjeux des prochains scrutins et plus largement sur la mise en place d’un lien structurel entre les actions de chacun. » Même si cette réunion avait un objectif politique et qu’il n’était pas question de la mondialisation, cette rencontre s’attardait au lien structurel entre eux et en plus, elle réunissait « la chaire d’études socio-économique de l’UQAM (seule en son genre au Québec), les principaux groupes de pression, mouvement sociaux, communautaires et politiques de gauche de la province… » En fait, on peut entendre que la montée de la droite, tant au Canada que partout dans le monde, amène la gauche à mettre ses différents de côté pour s’unir. Même si les luttes sont différentes selon chacun, avec l’arrivée de la mondialisation, les différents groupes de pressions ressentent le besoin de s’associer pour faire front commun. La situation de cette union est très bien expliquée par Valérie Besson qui rapporte les propos de Christophe Aguiton.
« Cependant, ce regroupement des mouvements de revendications aussi variés que nombreux, réunissent sous le même parapluie, Greenpeace, Friends of the Earth, et Attac, n’est pas sans présenter de danger. « Pour lutter ensemble, il a fallu fonctionner par la méthode du consensus; une structure plus horizontale et moins hiéarchique mais où les groupes ont dû sacrifier leur spécificité sur l’autel de lutte antimondialisation, entraînant un appauvrissement idéologique », explique le représentant d’Attac. »
Cette citation met en contexte la similitude qui existe dans l’organisation du mouvement et ce, au niveau mondial et national. Le mouvement ne cherche pas à imiter la structure qu’il dénonce : Le manque de démocratie des sommets économiques. Il doit donc faire face à l’envers de la médaille et assumer d’avoir une idéologie simpliste où chaque groupe travaillera sur des revendications plus précises à l’intérieur de ces consensus mondiaux ou nationaux.
D’un point du vue typiquement mondial, la situation organisationnelle pose de nouveaux défis au mouvement. On peut envisager d’abord les problèmes que pose la communication à ce niveau. Pour ce qui est de la ZLÉA, l’Amérique compte quatre langues officielles. Dans la situation américaine, les discussions entre les regroupements du Nord et du Sud sont moins fréquentes et par conséquent, l’organisation moins solide. Cependant, une solution fait émergence et semble porter fruit. Le 5 février dernier se terminait le deuxième Forum Social Mondial à Porto Alegre. Ce forum de six jours, qui se voulait un pendant démocratique au Sommet Économique de Davos, réunissait près de 60 000 personnes intervenantes de tous les milieux : politiques, syndicaux, étudiants, sociaux, médiatiques. Les discussions sont donc possibles à l’intérieur d’un tel événement puisque les interprètes n’y manquent pas. C’est donc pallier aux difficultés de langage qui peuvent exister. En plus, la solidarité intercontinentale semble plus évidente que la solidarité nationale. Il s’agit peut-être d’une acceptation des différents groupes en lien à leurs différences culturelles. Ce qui est sûr, comme le mentionne Ève Gauthier, c’est « la nécessité de garder le contact entre les groupes qui se sont rencontrés là-bas. Beaucoup de courriels se sont échangés et chacun sort de ce Forum avec son agenda propre qu’il pourra mettre en parallèle avec celui des autres au cours de l’année. » En fait, ceci prouve que ces discussions aboutissent à un point majeur de l’organisation qui est l’établissement d’un réseau de contacts. Une fois ce réseau bien établi, il sera certainement plus facile au mouvement de s’organiser. Malgré qu’aucun consensus global n’ait fait surface à ce forum, « il a été question d’organiser une journée de grève à l’échelle internationale cet automne et d’en faire un événement récurent. » Cette grève a effectivement eu lieu le 31 octobre pour protester envers la rencontre à Quito qui portait sur la ZLÉA. On peut donc dire en général que l’organisation du mouvement se stabilise de plus en plus afin que le mouvement ait plus d’impact. Cependant, ce qui divise le mouvement, tant mondial que national, ce sont les fondements idéologiques.
Si ce n’était que du fait que le mouvement s’organise, la tâche serait envisageable, mais un mouvement organisé arrive tôt ou tard à élaborer un plan d’action pour mener à bien sa lutte. C’est sur ce fond que les dissidences refont surface. En fait, la majorité des conflits internes du mouvement sont dus essentiellement à l’aspect idéologique de celui-ci. Si sa totalité suivait une même ligne de pensée, il n’y aurait aucun débat sur les revendications de celui-ci ainsi que sur les actions à prendre pour les obtenir. Les idéaux à l’intérieur du mouvement alter-mondialiste sont multiples. Les énumérer et les décrire tous serait l’objet d’une autre recherche. Pour simplifier les choses, on peut discerner deux idéologies dont une se recoupe en deux sur les moyens à prendre. D’abord, il y a les idéologies sur la mondialisation que je nommerai « modérées ». En général, ces idéaux sont socio-démocrates. Ils ne sont pas contre le libéralisme, mais ils s’opposent à sa forme pure et dure. Par exemple, la diminution du rôle de l’État pour un meilleur fonctionnement économique est perçue pour eux comme une menace à la qualité de vie humaine. En fait, la position de l’AUCC (Association des universités et des collèges du Canada) démontre bien la mentalité derrière cette pensée. Elle n’est pas contre le libre-échange, mais elle défend ceci : « Nos établissements membres sont déterminés à réduire les obstacles au commerce international de l’enseignement supérieur en recourant à des conventions et à des accords qui ne font pas partie des politiques commerciales. » Les adhérents à cette forme de pensée sont donc d’accord avec la forme économique actuelle, ils ne veulent simplement pas perdre les acquis sociaux et veulent être aussi en moyen d’en muter ou créer d’autre. D’ailleurs, les étendre au niveau mondial (surtout dans les pays sous-développés ou en voie de développement) fait partie de cette lignée de pensée qui s’attarde sur la valeur humaine et donc sur son bien-être. Les dissidences sur le système politique actuel sont minimes. Il s’agit plutôt de la recherche d’un équilibre entre l’économie et le social. Pour ce faire, les actions iront de paire.
Avant d’établir ces actions, il est important de mentionner que peu importe l’idéologie derrière un mouvement, l’appui populaire est essentiel à la réussite des actions de celui-ci. Par conséquent, la conscientisation populaire est un moyen qui est adopté par tous pour promouvoir le mouvement. Les discours sont certes différents selon l’idéologie, mais en autant que la population soit informée sur le sujet, les autres actions trouvent leur légitimité. Donc, pour revenir sur les actions entreprises par les « modérés », ceux-ci vont évidemment organiser des manifestations en autant qu’elles soient de nature passives. En général, ces manifestations n’auront rien d’extravagant. La marche du sommet à Québec au printemps 2001 en fait bon exemple. Cette action est généralement là pour en appuyer une autre que l’on nomme dans le jargon du milieu le « lobbying ». Le « lobbying » est une « action menée par un groupe de pression auprès de décideurs ou de médias dans le but de défendre une cause ou des intérêts particuliers, ou d'influer sur l'opinion publique. » Au fond, ils utilisent les outils que leur permet le système pour arriver à leurs fins. Il y a d’ailleurs une autre action, ou plutôt une façon d’aborder les changements sociaux, qui consiste à modifier les schèmes (de pensée, d’action, etc.) du citoyen par des actions concrètes. Par exemple, le commerce équitable a été instauré dans cette perspective. En sensibilisant les gens sur les inégalités du commerce mondial, le mouvement obtient un appui, trouve une alternative et évidemment, change les habitudes des gens. Finalement, la dernière action entreprise par cette partie idéologique du mouvement est un référendum populaire sur la ZLÉA. Le but étant d’avoir le pouls de la population sur la question. En fait, ce qui est extraordinaire, c’est que cette action n’est pas entreprise par le gouvernement ni une instance étatique, mais plutôt par un regroupement d’organisation humanitaire comme Amnistie internationale, la Fédération des femmes du Québec, Développement et paix et l’Association québécoise des organismes de coopération internationale. L’action est dû essentiellement a ceci selon les propos de Marcella Escribano : « Comme on sait que les gouvernements n’ont pas l’intention de consulter la population sur cette question, on s’est dit qu’il faudrait le faire nous-mêmes. » L’événement sera suivi d’une campagne d’éducation populaire et ceci leur permettra aussi de savoir s’il y a appui à une autre forme de mondialisation plus respectueuses des droits humains et de l’environnement. Ici, il ne s’agit pas de changer de système économique, mais plutôt d’y ajouter des termes pour rendre la mondialisation acceptable. Ceux qui s’opposent au système politique et économique actuel sont plutôt les radicaux.
Il faut comprendre avant tout que les pensées radicales quelles qu’elles soient sont le dérivé d’une analyse systémique poussée en profondeur et ce, à partir de plusieurs point de départ. Évidemment, les radicaux du mouvement alter-mondialiste sont loin d’être fascistes par exemple. Ils proviennent plus des regroupements politiques de gauche socialiste, communiste ou anarchiste. À leur avis donc, la mondialisation actuelle est un problème, mais sa source est le libéralisme et c’est en conséquence ce système qui crée une mondialisation absente d’humanisme. La lutte est donc différente des « modérés » en ce sens : Elle s’étend à bien plus que la mondialisation. Pour eux, même si le problème de la mondialisation est réglé, il y aura encore beaucoup à faire. Par exemple, leurs idéologies s’attaquent aussi à la hiérarchie occasionnée par les rouages du système capitaliste. Certains iront même jusqu’à pousser la pensée pour pointer du doigt la présence de patriarcat encore perceptible dans nos sociétés contemporaines. Pour faire preuve de l’envergure et de la profondeur de leurs luttes, voici un extrait d’article du journal de l’Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante (ASSÉ) à propos de la ZLÉA.
« À ce titre, certains mots d’ordre nous apparaissent tout à fait irresponsables. Par exemple, exiger simplement, comme le font les fédérations étudiantes collégiale et universitaire du Québec (FECQ et FEUQ), que l’éducation soit exclue de l’accord de libre-échange, et que n’y soit pas intégré le « chapitre 11 » de l’ALÉNA, c’est faire preuve d’une étroitesse de vue lourde de conséquence. En fait, toutes les revendications qui tiennent du corporatisme étudiant ou autre – c’est à dire qui font la défense d’intérêts particuliers -, toutes les revendications partielles et restreintes, toutes les velleités de réformes et d’embellissement du projet de la ZLÉA doivent être sévèrement critiquées. Elles trahissent toutes une très mauvaise compréhension des enjeux et des forces en présence et ne nous donneront donc jamais prise sur les véritables dangers à éradiquer. »
Évidemment, les dangers à éradiquer, qui sont mentionnés plus loin dans le texte, sont les fondements du libéralisme ou en d’autres mots, le libéralisme lui-même. En fait, ce qui est intéressant de remarquer, c’est l’approche globale qu’ont les porteurs de ces idéaux. Les instances politiques ou économiques sont tous inter-reliées du fait qu’elles font partie du même système et que son mode de pensée et d’action va en ce sens. Susan George, vice-présidente d’ATTAC-France, donne un bon exemple du rôle des instances et de leurs façon d’agir dans un monde libéral.
« Par exemple, ce sont la Banque et le Fonds qui sont les plus durs sur la question de la dette, qui refusent le plus l’annulation de la dette. Pourquoi? Parce que, s’ils ne sont pas remboursés, ils ne peuvent pas prêter de nouveau et la roue cesse de tourner! Si on arrivait à annuler la dette, ça remettrait automatiquement en cause l’utilité de la Banque et du Fonds. »
Cette approche d’analyse globale donc se reflète aussi dans les buts à atteindre. Évidemment, le but auquel tous adhèrent c’est le changement de système politique, les idéologies radicales s’attendent à un autre monde et non en l’embellissement de celui-ci, et c’est sur ce point que les actions divergent.
À l’intérieur du radicalisme, deux tendances sont perceptibles en ce qui a attrait aux actions. D’abord, il y a les actions politiques pour essayer de prendre le pouvoir en place de façon démocratique (ou non). Cette facette active de la gauche radicale n’est pas pertinente pour l’analyse des manifestations du mouvement alter-mondialiste puisqu’elle ne se situe pas au niveau mondial, mais uniquement au niveau national. Cependant, l’autre tendance, qui concerne les revendications, s’apparente beaucoup plus aux manifestations radicales du mouvement. Qui dit radical ne dit pas nécessairement action violente. Par exemple, les grèves générales (illimitées ou pas) ou les marches masqués comme celle du 31 octobre s’apparentent à des actions radicales qui ne suscitent pas la violence. D’ailleurs, une des innovations du mouvement alter-mondialiste en matière de contestation a été d’intégrer un cachet humoristique dans les marches ou les rassemblements. Le mouvement essaie aussi de réinventer les façons de manifester. Bien que l’humour est présentement le seul cachet nouveau dans les manifestations, Susan George prouve bien la recherche créative qui est à l’œuvre derrière le mouvement : « Je trouve qu’il faut inventer autre chose, qu’il faut être beaucoup plus drôle. Mon rêve est de voir 500 000 personnes rigoler quand on leur demande ce qu’ils pensent du G8. » Il y a aussi un aspect des manifestations du mouvement qui, même si le mot d’ordre fait appel à la créativité, utilise la désobéissance civile. Encore là, ces actions ne sont pas nécessairement violentes. Les occupations, les marches organisés sans avoir averti les forces policières, les blocus, la ré-appropriation urbaine avec des affiches ou graffitis sont tous des actions illégales qui ne se veulent pas violentes. En fait, l’ensemble de ces actions (illégales ou non) ont deux buts : se faire voir et entendre par les concernés et la population, et bloquer le rouage du système. Ce qui engendre la violence peut provenir de la police elle-même ou de manifestants qui se ré-approprient l’espace urbain autrement. Il faut comprendre que ces gestes semblent inutiles mais sont au fond l’expression de personnes qui sont oppressés dans un système où ils ont une perspective différente des choses. Bien entendu, certains casseurs s’attaquent à des espaces civils et ce ne sont généralement pas des individus qui sont présent pour manifester. Le manifestant donc du 31 octobre dernier, qui s’est attaqué à une voiture de police, ne l’a certainement pas fait sans raison.
Cette question de violence est dure à comprendre et elle est aussi à évaluer. Sachant très bien à l’intérieur du mouvement que ce type d’action existait, plusieurs regroupements se sont formés dont la CLAC (Convergence des Luttes Anti-Capitalistes). La CLAC, comme l’explique Philippe de Grosbois qui a assisté à plusieurs de leur réunions, est née comme suit :
« La Clac est partie vers février-mars 2000, en prévision du Sommet des Amériques qui avait lieu plus d'un an plus tard. L'idée était de partir un groupe qui s'opposerait à la ZLÉA dans une perspective anti-capitaliste et non-hiérarchique, parce qu'il n'y avait aucun rassemblement d'envergure qui existait dans cette perspective-là et pourtant, il y avait radicalisation du mouvement. Donc je pense que la CLAC reflétait ça. Aussi il faut dire qu'il y avait un certain écoeurement face à la dénonciation systématique de soi-disant "casseurs" et face à un certain dogmatisme non-violent. La CLAC voulait former un espace moins contraignant à ce niveau-là aussi. »
Ce qui est intéressant, c’est le point sur la stigmatisation de la violence. Comme mentionné précédemment, cette action est mal comprise. D’ailleurs, le mouvement a fait maintes réflexions sur ce sujet pour émettre peu à peu le mot d’ordre de la diversité des actions. Ceci a fait en sorte d’unir le mouvement et par conséquent, le faire grossir pour lui donner plus de poids politique. Ce qui n’est pas su aussi, c’est que ces regroupements ne font pas que se mobiliser pour casser. Bien d’autres projets s’organisent à la CLAC comme « des activités d'éducation populaire, des assemblées publiques sur de nombreux enjeux, des liens de fait avec des comités logement de Montréal, des groupes de lutte à la pauvreté d'Ontario, etc. » Au fond, ces personnes sont mal perçues : Ce ne sont pas des personnes violentes. C’est un défoulement qui est ciblé sur des objets significatifs plutôt que sur des personnes innocentes. Après tout, les vitrines fracassées d’une banque ne sont-ils pas qu’un coût minime comparé au gain que fait cette banque et à la misère qu’elle et ses confrères de la sphère économique créent de par leurs actions dans le monde? En plus, ces individus sont aussi aptes à prendre des décisions en fonction des circonstances. Parmi les personnes qui étaient présentes à la marche du 31, certaines pratiquent ce genre d’action mais ne l’ont pas fait pour l’événement qui se voulait pacifique. Quelques actions ont été faites de la sorte et les gens l’ont accepté, même que j’en ai vu aider un manifestant sur le point de se faire arrêter par un policier « undercover ». Ce qui est dommage, et je l’admets, c’est que les médias s’emparent de ces actions pour discréditer le mouvement. Cependant, lorsque des personnes s’offusquent d’une telle conduite ou qu’ils disent, et je cite Susan George sur le sujet, « … je trouve que nous devons repenser nos tactiques et qu’il faut isoler ces éléments-là », j’élabore l’idée qu’il vaut mieux l’accepter que de s’auto-stigmatiser à l’intérieur du mouvement.