Caméras policières à être installées dans le Quartier Latin

Soumis par anarcat le mercredi, 7 avril, 2004 - 17:01 Remarque
Contrôle social

La police de Montréal a reçu le feu vert de l'arrondissement pour l'installation d'une nombre inconnu de caméras de sécuritéra dans le Quartier Latin, de Sherbrooke à René-Lévesque, entre Sanguinet et Berri, supposément pour contrer la vente de drogue qui s'y tient.

Les commercants réclamaient cette mesure depuis longtemps. Ce qui m'échappe, moi, c'est la véritable utilité de cette mesure. Tout le monde sait qu'il se vend de la drogue au métro Berri. C'est un fait accompli et connu de tous. De plus, rien n'empêcherait en théorie au policiers d'arrêter les vendeurs à Berri: ils sont faciles à remarquer, et offrent à haute voix leur marchandise. Un seul agent double pourrait, chaque jour, ramasser un nouveau vendeur. Selon moi, ce n'est pas le but de cette mesure.

Le problème n'est pas de trouver les vendeurs et les arrêter. Le problème est que la rue et la ville de Montréal fourmille de jeunes facilement recrutables par les motards. Un d'arrêté, un autre recruté. Et pourquoi? Parce que "les jeunes" ont une opinion plus libérale sur la drogue. Parce que ces vendeurs aime l'argent facile que leur procure la vente et deviennent parfois aussi des consommateurs, entrant dans un cercle de dépendance entretenu par leurs patrons.

Les véritables "criminels" qui gèrent la machine et ramassent les profits ne descendent pas dans la rue, et ne se font pas arrêter ou harceler par la police. Ça, c'est le lot des itinérants, des jeunes, des "squeegees", des punks, qui sont considérés d'office comme des consommateurs ou des vendeurs, même si la plupart du temps, les vendeurs ont un "look clean".

La véritable raison

La police sait tout ça, ça fait plusieurs années qu'elle "s'attaque au problème de la drogue à Montréal". Et malgré tout, elle opte pour la solution "facile", la surveillance électronique, encore. Ceci n'a absolument rien à voir avec la drogue, selon moi: ces caméras de surveillance peuvent avoir de multiples usages, en particulier la surveillance de manifestations. Quel manif ne passe pas par le quadrilatère "Berri-Sherbrooke-Sanguinet-René-Lévesque"?? Les flics viennent de se doter d'un formidable moyen de documenter qui est présent à une manifestation.

Pour remettre en contexte, plusieurs procès sont présentement en cours contre des citoyens qui ont été arrêtés pour "attroupement illégal", au cours de manifestations, souvent au centre-ville de Montréal. Un des problèmes de la poursuite est souvent de réussir à prouver que l'accusé à simplement été présent à la manifestation, puisque c'est le seul "crime" dont il est coupable. (!!) Ces caméras, "anti-drogue", bien sûr, sont la solution magique à ce problème: on déclare la manifestation illégale, et on arrête tout le monde, certains même le lendemain, avec identification par caméra à l'appui. D'où la prolifération des caméras policières lors de manifestations, peu pratiques car trop évidentes et provocatrices. Les caméras en circuit fermé deviennent alors très attrayants pour les policiers.

Une longue histoire d'amour

La "drogue" au centre-ville a longtemps été un prétexte très utile aux policiers pour excuser toutes sortes d'abus autoritaires. On pense immédiatement au "nettoyage" opéré dans les années 90, où les punks et itinérants tout acabits ont été pourchassés comme la peste dans le centre-ville: contraventions abusives et injustifiées, transformation du carré berri en place Émilie-Gamelin, tout ça, supposément pour régler le problème de la drogue au centre ville, encore une fois pour les sacro-saints commercants.

Où ça nous a mené? Les vendeurs sont habillés comme des "preppies" au lieu d'être habillés comme des punks. La drogue est toujours là, mais l'itinérance est ailleurs et le problème demeure. La police, sans se l'avouer, a réussi ce qu'elle voulait: nettoyer le centre-ville d'une classe de la société qu'on ne veut pas regarder.

Mais cette fois-ci, la nouvelle cible "collatérale" des flics est beaucoup plus politique, et beaucoup mieux cachée. Nous sommes dans une phase répréssive sans précédent de la dissidence citoyenne, où les arrestations se chiffrent par centaines, où toute la communauté militante de Montréal est mobilisée en procès et relations publiques, au lieu de descendre dans la rue. Si nous laissons passer ce nouveau glissement sécuritaire, ce sera en prison qu'on trouvera la communauté militante, et plus personne ne sera là pour stopper le rouleau compresseur de l'état néo-libéral policier.

S'il y a un problème avec la drogue au métro Berri, que la police fasse sa job et arrête les vendeurs, elle n'a pas besoin de caméras pour ça. Mais arrêter les vendeurs ne nous avancera à rien. La guerre à la drogue n'est qu'à nouveau prétexte pour refermer l'étau de l'état policier sur le peuple qui n'a rien demandé. Elle ne peut pas être gagnée, mais elle peut être arrêtée.

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Références:
Radio-Canada
Cyber-épaisse