Héritage et équité

Soumis par tatien le mardi, 4 juillet, 2000 - 00:00 Remarque
Économie

C’est à la suite de la lecture des propositions de Michael Albert concernant l’économie participative que me vint l’idée d’écrire cet article. A l’automne dernier, j’ai suivi le “cours” on-line sur le site de parecon (1) qui consiste en une série de lectures sur le sujet, au cours desquelles l’activiste bien connu expose les fondements de sa thèse (2). Dans le dernier texte, Albert répond aux différentes attaques faites contre le modèle participatif. L’une de ses affirmations suscita mon attention. Albert répondait par à la question: “Qu’en est-il de l’héritage dans le modèle participatif? Les gens peuvent-ils, dans un modèle qui garantit liberté et équité, disposer librement du fruit de leur travail en en transmettant une partie à leurs enfants?”
Je ne fournirai pas immédiatement sa réponse: nous aborderons cet aspect plus loin quand nous discuterons de l’héritage dans une perspective d’économie participative. Toujours est-il que je décidai de pousser l’analyse plus à fond. Afin d’éviter les égarements et de donner plus de solidité à mon analyse, je décidai de me limiter à répondre à la question: “L’héritage est-il envisageable dans une société ayant comme valeurs fondamentales équité et liberté?” Il a été maintes et maintes fois démontré par les libertaires que l’équité doit passer avant la liberté, autrement elles s’appellent écart social et esclavage; aussi limiterai-je encore plus la question: “Héritage et équité peuvent-ils aller de pair?”
Dans les lignes qui suivront, après avoir apporté quelques précisions, j’étudierai l’héritage au sein de trois systèmes de distribution: le capitalisme, le communisme et l’économie participative. Puis je répondrai aux arguments majeurs en faveur du droit d’héritage. Finalement, j’émettrai quelques recommandations et propositions.

Mais tout d’abord, nous nous devons de définir un peu plus précisément les deux concepts que nous mettrons tantôt face à face, soit l’équité et l’héritage.
Par définition, l’équité serait une “répartition juste et impartiale” des richesses. Ceci nous ramène immédiatement à l’idée de justice. Quand on se demande: “est-ce équitable?” on devrait se demander: “est-ce juste?” Qu’est-ce qui est juste? Ce qui est conforme à la loi? Nous serons tous d’accord pour dire que c’est souvent faux. Ce qui est moralement acceptable? Non plus, pour des raisons similaires. En fait à mon avis la meilleure définition de ce qui est juste, d’un point de vue strictement économique, c’est que chacun reçoit du produit total la part qu’il mérite. Je crois que les trois systèmes qui seront explorés plus bas adoptent également cette définition, bien qu’ils ne définissent pas de la même façon le mot “mérite”. Mais nous verrons cela plus loin.
L’héritage serait bien défini par le transfert à nos descendants de nos richesses matérielles, de nos connaissances, de notre patrimoine. Pour des raisons que nous comprendrons plus loin, je me dois de diviser la notion d’héritage en deux concepts clés: héritage privé et héritage public. L’héritage privé consiste en la transmission des biens et connaissances à des individus spécifiques, le plus souvent des parents ou des proches, choisis par le possesseur de ces biens et connaissances. L’héritage public ou collectif, au contraire, est le transfert de ces richesses à l’ensemble de la communauté. Notons que ces notions peuvent devenir très larges: par exemple, la transmission des richesses communes dans un milieu fermé, comme un pays, est en quelque part une forme d’héritage privé car elle ne s’étend pas à l’ensemble des autres pays. Comme vous pourrez le constater lors de la lecture de cet article, ma critique s’adresse au premier type d’héritage; mes propositions visent à le remplacer par le second.

Héritage et capitalisme

Ma première analyse porte sur le paradoxe héritage-équité dans les sociétés capitalistes. Ma démarche comporte deux temps. Dans le premier, j’explique comment, lorsqu’un groupe d’hommes vit dans une société capitaliste inéquitable, alors l’héritage (privé) ne fait qu’accroître cette iniquité. Dans le second, j’affirme et démontre que même si, a priori, on suppose le système équitable, il ne peut que devenir inéquitable après un temps donné. Donc peu importe l’état présent d’un système capitaliste, on peut prédire que si l’héritage privé y est permis, cela ne fait qu’augmenter, à la longue, les écarts sociaux.
Partons donc d’une société hypothétique dans laquelle tous les êtres humains ne naissent pas dans les mêmes conditions économiques et culturelles, une société inéquitable donc, où certains ont accès à une part plus importante de biens et de connaissances que d’autres, venant de ce que leurs parents n’ont pas les mêmes ressources. C’est un peu la situation que l’on retrouve dans les sociétés occidentales actuelles, aussi n’est-il pas difficile de comprendre ce qui s’y passe.
Puisque la distribution des richesses est inéquitable, certains enfants seront plus avantagés que d’autres: ils pourront obtenir une meilleure éducation, auront accès à de meilleurs soins de santé, pourront plus facilement obtenir de l’argent et faire des investissements, etc. Cela, nous le savons déjà. Et puisque le système capitaliste établit le salaire sur le capital investi et la productivité de l’individu, ceux-ci auront donc, pour la majorité, un meilleur salaire et même plus de pouvoir.
Tranquillement, donc, les écarts se creusent et le système devient encore moins équitable, à la fin de cette génération, qu’elle ne l’était au départ.
Mais, nous dirons-nous, supposons à présent que nous nous trouvions, dès le départ, dans une situation égalitaire, où chaque homme et chaque femme, dès sa naissance, se retrouve dans une situation monétaire et sociale comparables. Alors, il n‘y a aucune raison a priori pour laquelle un individu termine en premier. Mais c’est nier complètement la variable naturelle, la loterie génétique et même sociale, dans une certaine mesure, qui font que même dans une situation économique identique, deux individus ne développeront pas les mêmes aptitudes de façon équivalente. Et puisque certaines aptitudes sont plus privilégiées que d’autres dans n’importe quel système économique capitaliste (simplement eut égard à la loi de l’offre et de la demande) et que le taux de productivité, qui détermine le salaire, est proportionnel à l’importance accordée aux aptitudes privilégiées, il va de soi qu’au cours de leur vie, et bien qu’ils fussent au départ nés dans des conditions socio-économiques semblables, tous les acteurs n’obtiendront pas la même part du gâteau. Et si la transmission des biens et connaissances passe par l’héritage privé, nous nous retrouverons dans la génération suivante avec la situation évoquée au départ, soit une société où les hommes ne naissent pas tous dans une situation équitable aux points de vue économique et social.
Je crois que cette courte discussion suffit à montrer comment, dans les grandes lignes, l’héritage privé au sein de la société capitaliste contribue au renforcement des écarts sociaux ou, plus précisément, à l’installation de catégories sociales bien divisées au fil des générations. Il est curieux de voir comment un système qui a été institué pour contrecarrer les injustices de la monarchie tombe dans le même piège, en acceptant de plein gré une forme moderne de “droit du sang” que nous qualifierons “droit de la richesse”.

Héritage et communisme

Dans le cas du système communiste, notre définition d’équité prend un tout autre sens que dans le cas du capitalisme, car les communistes confondent équité et égalité. La rétribution, le partage de la “tarte économique” se fait sur une base égalitaire: chacun reçoit une part en tout point identique à celle des autres.
En plus de cette divergence fondamentale au niveau de la notion d’équité, le communisme pose un problème plus grave pour notre analyse qui fera en sorte que celle-ci devra être écourtée. C’est que le communisme ne permet en théorie que l’héritage public; du moins l’héritage privé des biens y a-t-il une influence presque négligeable.
Pourtant les iniquités inévitables au sein de la société communiste ont également une certaine assise d’héritage privé. Mais puisque l’héritage des biens, comme nous l’avons expliqué, est entièrement public, les inégalités ne peuvent venir de là. D’où viennent les clivages? De l’héritage privé des connaissances. À bien des égards, les sociétés communistes les plus évoluées (pensons à Cuba ou à l’ex-URSS par exemple) n’ont pourtant rien à reprocher à leur système d’éducation public. Pourtant, les écarts sociaux inévitables entre travailleurs et bureaucrates ont toujours poussé ces derniers à exercer un contrôle sur l’information. Je suis loin d’associer communisme et totalitarisme directement, les libéraux contemporains l’ont bien assez fait avant moi. Je soutiens simplement que c’est un phénomène prévisible dans tout système qui permet une division de classes sociales, donc une concentration des pouvoirs (3). L’héritage familial de connaissances et d’aptitudes privilégiées par la société creuse le fossé des inégalités.
Le paradigme communiste nous permet d’ailleurs de cibler l’importance de l’héritage des connaissances qui a très certainement, dans la majorité des cas, un impact bien plus majeur sur les inégalités sociales que l’héritage de biens économiques. Nous y reviendrons.

Héritage et économie participative

Dans la dernière partie de cette analyse, nous tournerons notre regard vers une forme d’économie récemment développée par Michael Albert et Robin Hahnel. Ce fruit d’un travail de longue haleine se veut une proposition pour une économie que les auteurs disent meilleure, une économie qui intègre les différentes valeurs défendues par la gauche libertaire (équité, solidarité, diversité et auto-gestion) tout en demeurant très efficace. Évidemment, puisque cette forme d’allocation des ressources n’a pas encore été expérimentée, nous ne pouvons nous fier sur aucun exemple pour développer notre analyse, contrairement aux deux cas étudiés précédemment. Nous nous attaquerons donc aux seules notions théoriques de ce système.
L’objectif de cet article n’étant pas d’exposer le projet écopar, nous ne nous attarderons pas sur ce sujet. Les lecteurs intéressés à en savoir plus trouveront tout ce qu’ils veulent savoir sur le site du projet (4). Normand Baillargeon a également publié plusieurs articles et résumés.
La seule chose importante sur laquelle il faille s’attarder est la notion d’équité telle que défendue par Albert et Hahnel dans leur modèle. Selon eux, une rétribution équitable serait proportionnelle à l’effort et au sacrifice personnel. Elle passerait par un partage égalitaire des tâches et des responsabilités. A ce sujet, une première contradiction avec l’héritage privé nous vient à l’esprit. En effet, nous nous entendrons sur le fait que pour venir au monde, tous les hommes ont à fournir un effort équivalent. De ce point de vue, il n’y a aucune raison qui justifie le fait que certains aient plus que d’autres. Mais l’on pourrait arguer que si ses parents font plus d’efforts et de sacrifices, l’enfant les subira aussi: pourquoi n’aurait-il pas droit à sa part? Mais ceci n’est pas toujours vrai, car l’enfant dont les parents font peu d’efforts pourrait avoir à en faire plus, ou pourrait simplement décider de le faire. On ne peut donc vraisemblablement pas évaluer l’effort et le sacrifice personnel de quelqu’un d’après ce que font ses proches sans porter atteinte à l’équité.
Nous considérerons une seconde contradiction énoncée par Albert et qui a trait à l’équité ainsi qu’à une autre valeur primordiale du modèle participatif: l’autogestion. Le principe d’auto-gestion tel que défini par Albert s’énonce ainsi: chaque acteur dans la société devrait avoir un pouvoir sur les décisions qui l’affectent, proportionnel à l’impact de ces décisions sur lui-même. Ce principe a été conçu pour englober les notions de liberté et d’équité et rejoint la définition que les socialistes libertaires se font de la liberté. Il se base sur le postulat que la liberté individuelle aux dépens de celle des autres n’est qu’une parodie de liberté. “Je ne suis pas libre dans un monde d’esclaves”, disait Bakounine. De nombreux textes exposent déjà cette théorie, aussi me garderai-je ici de m’étendre trop sur ce sujet.
Revenons-en à notre question originale: l’héritage privé entre-t-il en conflit avec les valeurs d’équité et d’autogestion du système participatif? Absolument, répond Albert, et je le laisse ici expliquer pourquoi:
“I should no be free to bequeath substantial inheritance to my children because that robs the children of less wealthy parents of their more fundamental right to an equal opportunity in life.” (5)
Je pense que cette dernière remarque suffira à démontrer la contradiction entre équité et héritage au sein d’un hypothétique système d’économie participative.

Pourquoi l’héritage?

Les gens qui défendent l’héritage privé se campent derrière une série de bons arguments. Plusieurs prétendent tout d’abord que pour assumer sa liberté, un homme devrait être libre de dépenser ses gains à son gré. Ils jugent donc qu’il serait juste qu’il ait le droit de faire le choix de léguer une partie de ses avoirs à ses proches après sa mort. Je reviens ici au commentaire de Albert. Certes, tous devraient avoir le droit de dépenser le fruit de leur travail selon leur bon désir, dans la mesure où leurs choix de consommation n’aient pas d’effets excessivement négatifs sur la liberté des autres. De la même façon, dans une économie qui privilégie la liberté les gens désirant faire l’acquisition de mines anti-personnel devraient être soumis à la critique publique et leur choix pourrait être interdit par les autres.
Un autre argument tient au fait que les hommes et les femmes ont un lien affectif avec leurs enfants et que, dans cette mesure, il serait abominable de leur interdire de leur donner ce petit “coup de pouce” pour la vie. Je ne suis pas contre la transmission des biens ayant une valeur économique faible mais une valeur affective forte et je crois qu’il y a moyen de faire la différence entre les deux.
Finalement, plusieurs défendent l’héritage au nom de son caractère “tradition”. Je crois pour ma part que ces gens, comme beaucoup, confondent essence humaine et tradition. L’Europe a connu mille ans de stagnation parce qu’elle s’est accrochée à la tradition.

Quoi faire?

Au cours de cette courte analyse, nous avons fait la lumière sur l’irréconciabilité de l’héritage privé et de l’équité. Forts de cette connaissance, nous pouvons à présent formuler des moyens d’y remédier.
Tout d’abord, j’aimerais étendre quelque peu cette notion d’héritage. Tout au long de cet article, j’ai surtout fait mention du type d’héritage relié à un groupe très restreint d’individu — que j’ai nommé privé — contre celui de l’héritage relié à l’ensemble de la communauté — que j’ai nommé public. J’aimerais ici parfaire un peu la définition de ces termes.
Premièrement, qu’entends-je par communauté. À mon avis, c’est un groupe d’individus reliés par certains points en commun. Au point de vue strictement économique, ces groupes sont liés par des choix de consommation communs (on parle alors souvent de groupes d’intérêt) ou encore par une mise en commun de leur travail (comme au sein d’une entreprise). Des communautés peuvent émerger à différents niveaux: famille, quartier, ville, province, pays, monde entier. Mais alors, à quel niveau exactement devrions-nous arrêter notre choix lorsque nous parlons d’héritage public? Est-ce que nous devrions le limiter à un seul niveau? Et surtout, comment devons-nous procéder afin d’éviter de creuser les inégalités?
Je ne prétends pas être en mesure de répondre à toutes ces questions. Cependant, je crois bien être apte à fournir des éléments de réponse.
Premièrement, je crois qu’il faut revoir non seulement la notion d’héritage public mais également celle d’héritage privé. En effet, à la question: où s’arrête la notion d’héritage collectif? je répondrai: où commence celle d’héritage privé? Est-elle seulement limitée au milieu familial ou peut-elle également s’étendre à un pays en entier? Bien qu’elles nous aient été très utiles pour élaborer les éléments de notre précédente analyse, je vais donc sans plus tarder les abandonner afin de clarifier un peu mes propositions. Nous parlerons à présent d’héritage plus ou moins collectif. Par exemple, l’héritage familial est moins collectif que l’héritage patrimonial d’une ville.
Deuxièmement, je vais revoir la notion de propriété qui a été de tout temps débattue par les libertaires. Proudhon disait: “La propriété, c’est le vol!”(6) Il n’avait pas tort, mais encore faut-il comprendre le sens de ces paroles. Proudhon ciblait les profiteurs de la société de son temps, ces rapaces qui se disent productifs mais ne font qu’exploiter les autres, que leur voler le fruit de leur labeur. Je ne crois pas qu’un mendiant soit un voleur de posséder un quignon de pain, ni de voler son pain au riche. Pourtant, je suis bel et bien un voleur de posséder un ordinateur ou un appareil vidéo tandis que de jeunes prostituées crèvent la faim en Thaïlande. Qu’ai-je fait pour cela, sinon être né dans telle famille, dans telle province, dans tel pays? C’est pourquoi je ne saurais limiter la notion d’héritage à un cadre trop fermé. Pourtant, je veux bien posséder certaines choses, je veux bien pouvoir user librement de certains biens, de certains plaisirs. Je crois aussi que c’est bien un désir exprimé par tous et je nomme oppresseur celui qui me défend de le faire sans juste raison. J’aimerais hériter de mes parents certains objets précis, cette petite lampe qui me rappelle tant de souvenirs, ces photos de voyage, ce vieux secrétaire en bois qui appartenait à mon arrière-grand-mère.
Notez que comme je l’ai parfois exprimé plus haut dans mon analyse, la propriété ne concerne pas seulement les biens matériels mais aussi tout le domaine du savoir. Il est de toute première instance, si nous souhaitons nous diriger vers un monde plus équitable, de rendre le savoir accessible à tous.(7)
Évidemment, penser que l’on vit dans un monde équitable, c’est être aliéné ou totalement ignorant. C’est pourtant ce que veulent bien croire beaucoup d’Occidentaux. Mais si cela était vrai, alors je ne vois pas pourquoi il ne serait pas possible de posséder certaines choses; du moins, nous devrions être en mesure d’emprunter, pour la durée de notre vie, des acquis collectifs, avec la ferme intention de les rendre intacts et même, augmentés d’une valeur supplémentaire. Nous devrions être en mesure de transmettre à nos enfants une parcelle de nos possessions, celles qui ont une forte valeur sentimentale mais une valeur économique qui ne brime pas la liberté et l’égalité d’autres gens; le reste devrait être retourné à la collectivité.
Ce principe d’emprunt devrait s’étendre aux niveaux supérieurs, en considérant à chaque pallier des formes d’héritage plus ou moins collectif. Par exemple, de quel droit un pays s’acquiert-il des richesses naturelles qui appartiennent à tous, pour les exploiter jusqu’à les détruire? De quel droit une entreprise s’approprie-t-elle tous les privilèges sur une technologie qu’elle a développé à partir de connaissances qui sont du domaine public, souvent dans une optique entièrement contre-productive (comme les brevets pour l’automobile électrique, issus depuis longtemps mais détenus par des compagnies pétrolières ou automobiles)? De quel droit certains scientifiques se permettent-ils de breveter le vivant, sans prendre le pouls de ceux que cela concerne, c’est-à-dire l’humanité tout entière?
Nous devons absolument et immédiatement revoir la notion d’héritage dans un contexte beaucoup plus large et encourager des moyens plus équitables et plus solidaires de la mettre en pratique.

Conclusion

Nous avons vu, au cours de ce court exposé, que l’héritage — plus précisément l’héritage privé — entre en conflit direct avec l’équité et ce, peu importe si la définition que l’on se donne de l’équité est celle que nous donne le capitalisme, le communisme ou l’économie participative. Nous avons vu comment il était possible de rapprocher ces deux notions en donnant à l’héritage une valeur plus large et en l’associant de près à la notion d’emprunt, c’est-à-dire de possession temporaire dont l’emprunteur est responsable et qu’il doit retourner avec une valeur accrue.
Je rappellerai au lecteur révolté ou critique au sujet de mon article que je n’ai jamais recherché, au cours de la partie analytique de mon argumentation, à montrer ce qui était bien ou ce qui était mal, mais bien à montrer l’incompatibilité entre deux notions bien précises, à savoir l’héritage et l’équité. De plus, dans la seconde partie de mon exposé, celle qui a trait à mes propositions, je n’ai parlé qu’en termes très vagues. Entre autres, je n’ai traité que de l’héritage et je n’ai pas précisé la façon dont devrait se faire, aux différents “paliers collectifs”, l’allocation des ressources héritées de leurs sous-groupes et des individus qui les constituent. J’espère donc que le lecteur qui souhaite s’attaquer à mon article saura à quoi s’en tenir.

  1. Ce terme est en réalité une fusion des mots anglais participative et economy. Normand Baillargeon, qui a écrit quelques articles à ce sujet, a proposé la traduction libre écopar.
  2. Ces lectures peuvent être trouvées ici.
  3. ibid.
  4. parecon.org
  5. “Je ne devrais pas être libre de léguer un héritage substantiel à mes enfants car cela prive les enfants de parents moins riches de leur droit plus fondamental à une égale opportunité dans la vie.”
    Michael Albert. Ten lectures on parecon. Traduction libre.
  6. P.J. Proudhon.
  7. Lire à ce sujet “À qui appartiennent les connaissances”, Le Monde Diplomatique. Philippe Quéau.