Une conception de l'anarchie ne saurait être sémantiquement correcte sans tenir compte des concepts de responsabilité et de liberté. À mon avis, ces concepts sont l'essence même de l'anarchie.
Ce texte tente de définir l'anarchie en définissant ces (ses) deux concepts sous-jacents.
Des deux concepts, l'un est le plus évident à accepter de facto. En effet, l'Anarchie est souvent reconnue pour être un concept préconisant la liberté totale. Certains croient même que l'Anarchie n'est qu'en fait la liberté individuelle poussée à sa limite extrême. Je me dois de clarifier cette dialectique. Si, en effet, la liberté de l'un puisse être telle qu'elle détruit celle des autres, on devrait alors la qualifier d'un adjectif particulier. On parlerait donc de liberté individuelle, partielle, d'opinion, de liberté restreinte (!).
La Liberté, ce n'est pas une somme de libertés partielles ou restreintes! Un peuple d'esclaves n'est pas moins esclave parce qu'il est un peuple, bien au contraire, et comme le dit si bien Albert Jacquard, "Je ne suis pas libre dans un monde où il y a des esclaves". C'est donc une contradiction intrinsèque de dire que la liberté de l'un puisse détruire la liberté de l'autre, parce qu'à ce moment, on devra appeler ceci non plus de la liberté (soit-elle individuelle), mais bien de l'Autorité.
De la même façon, une liberté partielle, restreinte ou surveillée, n'est simplement plus digne du terme liberté. On pourrait plutôt désigner ces états de "permissions". En comparaison, on ne dit pas "blanc foncé" ou "noir pâle", on dit "gris"; de la même manière, on ne dit pas liberté surveillée, conditionnelle, mais contrôle social, permissions.
Cette sémantique est donc selon moi implicite à l'Anarchie, puisque celle-ci refuse toutes formes d'autorité. La liberté restreinte étant une forme d'autorité, l'Anarchie ne se trouve que dans la liberté de tous et de chacun, dans leur individualité ainsi que dans leur pluralité. La Liberté sans contraintes, sans bornes, sans frontières, sans adjectifs. Pour tous.
On associe souvent ce concept à une sorte de devoir, ou de tâche, mais toujours en référence à une autorité, qu'elle soit le travail, l'école, ou toute autre structure sociale. Il est important de voir qu'une autre sémantique existe, un peu dans la même branche que celle énoncée ci-haut.
Beaucoup considèrent en effet que leur responsabilité se limite à celle que d'autres leur assignent. Ainsi, nous avons des juges responsables du jugement, des politiciens responsables de la politique, de policiers responsables de la.. hum.. discipline??? De cette façon, il est devenu mal vu de 'juger', faire sa propre politique, ou sa propre police, quand on n'en a pas eu le mandat par une autorité. De fait, nous sommes libres de prendre ces responsabilités dans la mesure où ceci convient au contexte social, et ceci a donc très peu d'effets tangibles.
Ces responsabilités n'ont en fait aucune valeur. Ou plutôt elles ont une valeur seulement dans le cadre du mandat qu'on leur a donné. C'est d'un ridicule fou, vous l'avouerez, puisqu'on peut finir par mandater un juge de condamner une personne à mort (ou le choisir par le nombre de peines capitales qu'il a imposées, ce qui revient au même); ou voir les politiciens se dérober de leurs promesses électorales inconfortables; ou encore voir le mandat de la police s'élargir au point où le passage à tabac ayant causé la mort d'un chauffeur de taxi par des policiers les mène à des vacances payés. Ces soi-disant responsabilités de juger ce qui est 'bon' et ce qui est 'mauvais', ou encore d'appliquer ces jugements, ne sont en fait que des fraudes, des mascarades, des prétextes. Ce ne sont que des pantins de l'autorité qui les a mandatés, agités aux bouts de ficelles d'acier devant les passants désabusés. Comme la loi, ou une charte de droits et libertés, elles sont là pour ne pas qu'on les invente pour nous-mêmes.
Une véritable responsabilité, c'est la prise de conscience des conséquences de nos actes. C'est d'accepter la causalité qui nous lie tous en tant qu'humains, comme celle qui tient ensemble tout l'univers. La responsabilité est le fait de respecter sa liberté, et par conséquent, celle des autres. Cette sémantique découle de celle de la Liberté. Car nous devons faire plus que notre liberté personelle, nous devons faire la Liberté! C'est là que se trouve notre Responsabilité. Nous sommes responsables de notre destinée en tant que poussière d'étoile. Nous sommes responsables de la planète, notre seule maison, que nous détruisons. Nous sommes responsables des vies humaines que nous regardons s'éteindre dans la famine, la guerre ou la misère.
Encore une fois, toute cette sémantique découle aisément du concept d'Anarchie. En l'absence d'autorité, l'humain fera face à lui-même dans l'absolu. Dans l'infini du temps et de l'espace, il prend ses responsabilités en tant qu'individu, et non en tant que pantin mandaté pour exécuter sa "part" de responsabilité.
Ainsi, de la responsabilité découle la liberté et vice versa. Tout ceci n'est bien sûr que sémantique. Que des mots. Il est bien évident que tout ceci est hautement discutable et n'a de valeur que dans la mesure où c'est en effet discuté et débatu. Mais il est clair que le véritable sens du terme "anarchie" a été, au fil du temps, empli de préjudices et fausses conceptions, l'autorité n'aimant évidemment pas être remise en question. À vous d'en juger.